Lectures du mois (26) juillet 2021

Je crois que c’est une première, mon billet « lectures du mois » pour juillet constitue ma seule et unique publication depuis plus d’un mois… Après quelques jolies lectures pour le mois anglais (West, Billy Wilder et moi, Étés anglais) la fin du mois de juin et une bonne partie de juillet sont restés en demi-teinte, sans rien qui vienne vraiment rompre la monotonie, ou marquer par son éclat…
Chose intéressante, à la recherche de citations, je remarque seulement maintenant qu’un thème est commun à toutes ces lectures, celui du courage, celui d’affronter des dangers physiques, de venir s’opposer à une personne que l’on aime ou encore d’aller jusqu’au bout de ses idées. Finalement, cela me donne un point de vue différent qui rehausse ces lectures passées.

Nickolas Butler, Le petit-fils, traduction de Mireille Vignol, Livre de Poche, 2021, 336 pages.
« Existe-t-il plus grand bonheur que d’être un enfant livré à lui-même pour explorer le vaste univers, sans un soupçon de danger ? Car ce sont les adultes qui introduisent la notion de danger dans le monde, toujours eux. »

Après avoir élevé avec quelques difficultés leur fille adoptive Shiloh, Lyle et son épouse Peg savourent le plaisir d’être grands-parents. Lyle surtout s’entend bien avec son petit-fils de cinq ans, Isaac. Ils bricolent ensemble, travaillent au verger. Mais Shiloh devient de plus en plus attachée à l’église qu’elle fréquente, avec son pasteur trop charismatique, et Lyle se rend compte que les idées de sa fille vont trop loin. Il n’ose toutefois aborder le sujet frontalement, de peur de la voir éloigner l’enfant.
Le roman peut sembler un peu lent mais la profondeur des sentiments est marquée, sans toutefois en faire trop… et le thème pas des plus répandus dans la littérature. Je le conseillerais volontiers, d’autant qu’il est sorti en poche.

Joyce Carol Oates, Un livre de martyrs américains, traduction de Claude Seban, éditions Points, 2020, 864 pages. (pavé de l’été pour le challenge de Brize)
« Dans une vie il y a des tournants. C’est ainsi que je les appelle. Un tournant est une surprise soudaine. Comme si on vous saisissait par les épaules et qu’on vous tournait de force pour que vous voyiez quelque chose qui vous était caché jusqu’alors. Un tournant, et vous êtes changés à jamais. »

Restons aux Etats-Unis avec la grande Joyce Carol Oates qui s’intéresse cette fois aux militants « pro-vie » ou anti-avortement. Elle imagine qu’en 1999, l’un d’entre eux, Luther Dunphy, persuadé d’accomplir un acte guidé par Dieu, abat un médecin à l’entrée d’une clinique. Joyce Carol Oates s’introduit dans les pensées de chacun de ses personnages, notamment les filles devenues adultes des deux protagonistes principaux du drame. Je noterai de très belles pages, une réflexion intéressante et une finesse psychologique sans égal, une fin magnifique, mais beaucoup de longueurs pour en arriver là, et l’impression que JC Oates se regarde un peu écrire parfois…
J’aurais sans doute trouvé ce texte superbe avec deux cent pages de moins, car tous les ingrédients étaient réunis pour en faire un grand roman.

Thierry Berlanda, Déviation nord, éditions De Borée, 2020, 310 pages.
« Certains, la peur les paralyse ; d’autres, elle les galvanise. Agathe a toujours fait partie du second groupe. […] Après une minute d’abattement complet, elle se dit que c’est le moment de le prouver. Pas d’estimation des risques, pas de pesée du pour et du contre, pas de calcul. Elle est au-delà de ces finesses, plus assez lucide, ou peut-être trop. Et puis calculer, c’est envisager de renoncer. Or Agathe ne l’envisage pas. »

Parfait pour les chaudes journées d’été, ce roman plein de suspense part de la disparition en plein cœur du Morvan enneigé, à deux jours de Noël, d’une famille de trois personnes. Ce chirurgien réputé et son épouse suscitaient des jalousies, ils se sont évaporés sur une déviation mise en place à cause d’un accident. Deux policiers que tout semble opposer (comme il se doit) vont tenter une course contre la montre pour les retrouver.
Ce thriller prenant et pas avare en rebondissements ne néglige pas l’atmosphère ni la profondeur des personnages auxquels on peut reprocher seulement d’être un peu… pas stéréotypés, non, mais déjà vus. Mais cela doit être parce que je lis trop !

Alexis Jenni, J’aurais pu devenir millionnaire j’ai choisi d’être vagabond, éditions Paulsen, 2020, 220 pages.
« En vivant dans cette ferme aux confins du monde défriché, John Muir grandit et se forma avec un pied dans chacune des deux réalités qui coexistaient alors : un dans l’Ecosse ordonnée et studieuse, l’autre dans la Grande Sauvagerie qui s’étendait au-delà des champs de son père. »

J’aurais déjà eu l’occasion de lire Alexis Jenni, si j’avais voulu, et pourtant ce n’est pas avec un roman que je découvre sa plume, mais avec une biographie. Il s’agit de John Muir, amoureux du Yosemite, connu pour avoir fondé les parcs nationaux américains. Ce jeune garçon né en Écosse, immigré à dix ans avec sa famille, inventeur talentueux, aurait pu avoir une toute autre vie.
Première remarque dès les pages d’introduction : j’aime beaucoup le style d’Alexis Jenni, et j’apprécie sa manière de rendre cette vie passionnante, de parler aussi, très simplement, de lui-même, pour mieux éclairer les pensées et les enthousiasmes pour la nature de John Muir. Ça se lit facilement et fort agréablement !

Tiffany Tavernier, L’ami, éditions Zulma, 2021, 262 pages.
« Au boulot, je reste le plus distant possible. Malgré cela, pas un jour ne se passe sans que l’un d’entre eux, l’air mortifié, m’aborde dans les vestiaires, en salle des machines, sur le parking : « Franchement, j’aimerais pas être à ta place. ça doit être vraiment dur.  » Plus ça va, plus cela m’insupporte, comme si à l’intérieur, j’attendais tout autre chose, le début d’une réponse peut-être, mais qui, là, jour après jour, se dilue dans leur pitié. »

Il s’agit d’un fait divers comme il en arrive parfois, la découverte qu’un homme simple, banal, est un pervers qui a violé et assassiné des jeunes filles, avec peut-être la complicité de sa femme. Ce cataclysme est entièrement raconté par son voisin et ami Thierry. Celui-ci passe par toutes sortes de phases qui sont un peu celles du deuil de leur amitié : déni, colère, dépression… Pour Thierry qui a du mal à exprimer ses sentiments, tout part à vau-l’eau, à commencer par son mariage avec Lisa.
La première moitié du roman passionne en se mettant à la place des voisins, ceux que les médias interrogent habituellement, mais qui dans ce cas, se terrent chez eux, vides de mots… De voisins, ils étaient devenus amis avec Guy et Chantal, partageant des bons moments et des passe-temps. Et pourtant, lorsque le couple réalise qu’ils ne connaissaient absolument pas Guy et Chantal, ils tombent des nues, et réagissent chacun à leur façon.
La deuxième moitié du roman est moins convaincante, brassant trop de sujets qui peuvent sembler disparates et ne rien ajouter au thème principal. Je comprends l’idée, mais, comme dans Roissy, je n’adhère pas, cette abondance de sujets imbriqués me gêne, et un dernier personnage apparaissant à la toute fin me laisse définitivement perplexe.

Martin Dumont, Tant qu’il reste des îles, éditions Les Avrils, 2021, 235 pages.
« À côté, notre chantier paraissait dérisoire. Pourtant il y avait quelque chose. Une proximité, un début de point commun. Ces gars aussi étaient tendus vers l’objectif, poussés par la pression d’un supérieur qui devait leur promettre une prime s’ils finissaient dans les temps. Beaucoup devaient se sentir fier à l’idée de participer à une telle construction. Un gigantesque ouvrage qui resterait pour les siècles à venir. »

Une île, juste au moment de la construction d’un pont… Avant que ne soit fini l’ouvrage qui la reliera au continent, des îliens s’agitent et imaginent des actions pour arrêter la construction. Léni reste tranquille, travaille sur un chantier lui aussi, mais de réparation de bateaux, garde sa fille un week-end sur deux. Va-t-il devoir s’impliquer davantage ?
Bon, j’ai acheté ce roman entouré d’avis enthousiastes, et malheureusement, j’ai trouvé l’ensemble sympathique mais un peu convenu. Sans doute ai-je eu du mal à m’identifier aux personnages, à apprécier l’atmosphère du café du port où tout le monde se retrouve. Ce roman conviendra sans doute mieux à des plus jeunes que moi. Je suis loin du coup de cœur, et en suis toute dépitée.

Peut-être avez-vous lu certains des livres présentés ici ?

54 commentaires sur « Lectures du mois (26) juillet 2021 »

    1. Coucou 🙂 j’ai beaucoup aimé «  l’ami » malgré les défauts que tu cites, la première partie est très réussie je trouve … JCO je l’adore mais elle fait souvent trop long alors qu’elle excelle dans le court … bon mois d’août !

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      1. Merci, Comète, bon mois d’août à toi aussi !
        Et tout à fait d’accord pour L’ami qui démarre vraiment très bien et JCO qui écrit des nouvelles tellement fortes !

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  1. J’ai lu et chroniqué « petit fils » j’avais noté celui sur les îles mais tu me refroidis un peu. Je vais lire la biographie de John Muir car j’ai aimé ses livres. Je me disais bien que je n avais pas vu de billets de toi. Bonnes vacances Kathel.

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  2. Le petit fils est dans ma liste d’envies et je l’ai demandé au réseau des bibliothèques et toujours pas entre mes mains…. Sûrement très demandé alors je finirai par l’acheter s’il n’arrive pas. Je suis d’accord pour JCO un de mes coups de cœur mais elle ne sait pas faire court…. Nous sommes d’accord pour Tant qu’il reste des îles et maintenant je me méfie des engouements massifs… Pour l’Ami ce que tu en dis je le redoute car je n’avais pas adhéré à l’Ami et comme il est à la bibliothèque oui peut être si je n’ai rien à lire…. Alors ce ne risque pas d’arriver dans les mois à venir 😉

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    1. Tu n’avais pas adhéré à Roissy non plus ? Je me souviens de ton avis sur Tant qu’il reste des îles, et moi aussi me méfie quand tout le monde a aimé un roman. 😉 Bonnes lectures d’août !

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  3. Je pensais que tu étais partie en vacances ! Je n’en ai lu aucun, je suis tentée par « le petit-fils » et aussi par celui d’Alexis Jenni sur John Muir. Je ne fais pas de grande s découvertes non plus ces temps-ci, mais des lectures sympas quand même.

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    1. Je ne suis partie que trois jours mais j’ai surtout du mal à écrire des avis de quelque longueur que ce soit (enfin, au format court, j’y suis à peu près parvenue).

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  4. Des lectures bien éclectiques 🙂
    Je n’ai lu que Tant qu’il reste des îles que j’ai beaucoup aimé, tout est dans l’atmosphère et la pudeur de la plume de l’auteur, mais il semble un peu incongru au milieu de tes autres lectures et ce que j’en perçois. Rassure-toi ce n’est pas une question d’âge, enfin je ne crois pas 🙂

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    1. Je me souviens que tu avais beaucoup aimé le roman de Martin Dumont, mais j’aurais du me douter que ce n’était pas tout à fait pour moi… plutôt une question de goût, alors ? Pourtant, nous avons parfois des coups de cœur en commun.

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  5. Pour le Jenni, je l’ai commencé, il est de qualité, mais juste avant j’ai lu un livre écrit par John Muir, et Jenni reprenait pas mal les péripéties en les rendant plus lisibles peut être, car Muir raconte, c’est du brut, et on devine dans quelles conditions il crapahute.
    N’hésite pas à lire Muir!

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  6. Comme vous je n’ai pas lu de livre d’Alexis Jenni bien que je lise ses chroniques dans un quotidien, de temps en temps. J’ai réservé sa biographie de John Muir mais la liste d’attente est très longue. Ce sera mon tour en septembre…
    BONHEUR DU JOUR (http://bonheurdujour.blogspirit.com)

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  7. J’ai adoré le Oates! La façon dont elle expose les deux points de vues par le prisme de deux familles fracassées, sans prendre parti… C’est riche en émotions et nuancé dans le propos. Redoutablement efficace.

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  8. « des personnages auxquels on peut reprocher seulement d’être un peu… pas stéréotypés, non, mais déjà vus. Mais cela doit être parce que je lis trop ! »
    Parfois je me pose la même question :  » Le livre est bon mais il manque…. ? Pourquoi ne pas s’enthousiasmer quand on n’a rien à reprocher ? Peut-être que je lis trop ? « . Non, on ne lit jamais trop ! Mais beaucoup de ces auteurs ont du savoir-faire et même un beau brin de plume mais tous ne peuvent pas écrire des chefs d’oeuvre. C’est le cas de Oates, une écrivaine que j’aime beaucoup mais qui écrit tellement que certains de ses ouvrages sont nettement moins bons.

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    1. C’est vrai que tout les auteurs ne peuvent pas aligner que des chefs d’œuvre ! Il faut pour cela à la fois une « urgence » à écrire et un style…

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  9. Je n’en ai lu aucun, mais le Oates est sur mes étagères, et j’hésite pour le Butler, dont je trouve le sujet très intéressant.
    Et pas trop tentée, sinon, par tes autres lectures du mois !

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  10. Bonjour Kathel, concernant L’ami de Tiffany Tavernier, je suis totalement d’accord avec ce que tu écris : 1ère partie : très bien mais 2ème partie : bof++ Bonne journée.

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  11. Je n’ai lu aucun de ces titres mais j’étais assez tentée par le JCO. Hmm ton avis me fait hésiter maintenant. Il faut dire que c’est un sacré pavé donc il faut que ce soit bon de bout en bout.^^

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