Jonathan Coe, Billy Wilder et moi

« Je commençais à assimiler la réalité de la situation. En quelques jours, j’avais troqué les cours de langue particulier à temps partiel (très partiel) pour le statut de membre estimé d’une équipe de tournage, travaillant sur un film réalisé par un des plus grands cinéastes d’Hollywood. »

En 2013, Calista, compositrice de musiques de film, se trouve à un tournant de sa vie de famille et de son métier. Une de ses filles part faire ses études à l’autre bout du monde, et l’autre se débat dans des problèmes qu’elle refuse de partager. Quant à ses projets musicaux, ils se réduisent de jour en jour. Calista se souvient alors de 1977, lorsque, jeune athénienne avec des origines anglaises, elle partit pour un tour des États-Unis et rencontra de manière totalement inattendue Billy Wilder et son scénariste Iz Diamond. Wilder fit ensuite appel à elle comme interprète pour le tournage de Fedora dans une île grecque.
Voilà un joli début dans la vie pour une jeune fille qui ne connaissait rien au cinéma, citant Les dents de la mer, lorsque Wilder lui demande quel est le dernier film qu’elle a vu, et ignorant tout du réalisateur de Certains l’aiment chaud ou Boulevard du crépuscule. Il faut dire qu’en 1977, certains jeunes réalisateurs « barbus » commençaient à éclipser le cinéaste sur le déclin…


« Il y a avait un autre point qui compliquait également la vie des acteurs : monsieur Wilder était convaincu que le scénario qu’il avait écrit avec Mr Diamond devait être traité, ainsi que la Bible, comme un texte sacré. »


Jonathan Coe réussit à mettre tout de suite le lecteur dans le bain, fut-il ou non un admirateur ou un fin connaisseur de Billy Wilder. L’habileté de l’auteur est de faire raconter l’histoire par Calista trente-cinq ans après, de laisser une place aux difficultés de la femme de cinquante ans avec ses propres enfants, avant de revenir sur sa jeunesse et sa rencontre avec Billy Wilder, et d’alterner les périodes, dans une juste mesure, de manière à ne susciter aucun ennui, ni aucune frustration.
La biographie est fluide, légère et ce qui relève de la documentation tout aussi espiègle et plaisant que ce qui est dû uniquement à l’imagination de l’auteur. Les moments sombres n’ont pas manqué dans la vie de Mr Wilder, mais il savait faire passer ses récits avec une bonne dose d’humour et d’autodérision. Comme en témoigne une fameuse scène de restaurant à Munich. Cela correspond tout à fait au ton que Jonathan Coe choisit de donner au roman. J’adore lorsque l’auteur joue sur la corde nostalgique en remontant de quelques décennies, comme il l’avait fait auparavant dans Expo 58 ou Bienvenue au club.
L’ambiance restituée est parfaite, on retrouve à la fois les années 70, la vision du monde portée par la jeune Calista, et l’univers du cinéma hollywoodien, en une symbiose tout à fait réussie.

Billy Wilder et moi de Jonathan Coe (Mr Wilder and me, 2020) éditions Gallimard, avril 2021), traduction de Marguerite Capelle, 296 pages.

Les avis de Delphine, Eva ou Jostein. Encore une participation au mois anglais à retrouver ici ou .

49 commentaires sur « Jonathan Coe, Billy Wilder et moi »

    1. Je n’ai pas été unanimement enthousiaste à la lecture de ses romans, mais avec quelques petites nuances, j’aime tout ce qu’il écrit ! (et celui-ci fait partie de mes préférés)

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  1. Une lecture que j’ai beaucoup aimée, une réussite (même si le mélange imaginaire / réel, j’ai un peu de mal, mais c’est tellement bien fait)
    Pas de billet, grosse paresse actuellement

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    1. Mais oui, c’est tellement bien fait ! Je me le disais parfois en lisant, mais pas trop, car quand on commence à trop remarquer les « ficelles » ce n’est pas bon signe. 😉

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  2. J’ai adoré la nostalgie qui émane de « Bienvenue au club » et j’ai vu quelques films de Billy Wilder donc je ne devrais pas être trop perdue. Je dois d’abord lire le reste des Enfants de Longbridge, mais j’y viendrai.

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  3. Ben, pour une fois, cela n’a pas fonctionné entre monsieur Coe et moi ! les souvenirs de Callista lissent trop le personnage, et j’attendais une relation plus étoffée … tant pis, ce sera pour le prochain titre !

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  4. j’aime beaucoup l’auteur que j’ai découvert avec « Testament à l’anglaise » mais il faut que je lise la trilogie d’abord …
    celui-ci me tentait moins au départ mais comment résister à l’appel des sirènes 🙂

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