Philip Roth, Opération Shylock

« Toute ma vie, je me suis mis dans des situations aussi difficiles, mais jusqu’à présent, en gros, c’était dans mes romans. Qu’est-ce que je dois faire maintenant pour me sortir de là ? »

Voici un roman d’un bon gros format confortable, qui m’a permis de retrouver l’écriture marquante de Philip Roth, mais qui n’est pas des plus faciles à résumer. Le narrateur en est Philip Roth lui-même, sortant d’une dépression massive causée par un médicament. Il doit se rendre à Jérusalem pour des entretiens avec l’auteur Aharon Appelfeld, lorsque ce même Aharon, ainsi que le cousin du narrateur, lui apprennent qu’un individu se fait passer pour lui (lui, Philip Roth) à Jérusalem, et propage en son nom une thèse nommée « diasporisme ». Il vous faudra lire le roman pour en savoir plus, et découvrir comment se passe le voyage à Jérusalem. Il faut y ajouter le procès, qui se déroule dans la capitale israélienne, d’un ukrainien, accusé d’être le « bourreau de Treblinka ». Ce procès aura aussi une grande importance dans le déroulement des événements.

« J’ai toujours considéré Aharon comme quelqu’un dont la maturation s’est effectuée dans des convulsions de la pire cruauté qui soit et qui a cependant réussi à retrouver son côté d’homme ordinaire justement parce que c’est un homme extraordinaire ; c’est quelqu’un qui a su dépasser la futilité et le chaos et dont la renaissance sous la forme d’un être humain équilibré, écrivain de très grand talent de surcroit, constitue une réussite qui, à mes yeux, relève du miracle ; d’autant plus que c’est le fruit d’une force intérieure absolument invisible à l’œil nu. »
J’ai choisi de lire ce roman sur la base du résumé, alléchant, et parce que j’avais la plus grande confiance en l’auteur. J’ai retrouvé ici plutôt la veine du Complot contre l’Amérique, qui montre cette fois encore qu’humour et littérature, profondeur et dérision, peuvent faire bon ménage.
Parmi les excellentes surprises que recèlent ce livre, retrouver, et en quelque sorte côtoyer, Aharon Appelfeld, dont j’ai tant aimé ce que j’ai lu, et qui est à mes yeux une personne hors du commun, était la plus importante. Mais ce roman en recèle encore bien d’autres, et sous des dehors assez loufoques, apporte par la voix de divers personnages des théories parfois caricaturales, parfois sérieuses, sur l’antisémitisme, et montre la manière dont les Juifs sont, encore et toujours, perçus par les autres, fussent-ils habitants de la Palestine, Américains ou Européens. Le texte regorge de pages passionnantes, et, malgré d’incontestables longueurs, Philip Roth sait toujours où il va, et maîtrise totalement lesdites longueurs, et le tour subtil que prend son histoire de doubles, qui ressemble parfois à une suite, très réussie, de poupées gigognes. J’avoue avoir trouvé parfois que c’était un chouïa trop long, pour décider à la page suivante qu’il y avait des choses tellement formidables dans ce livre qu’il aurait été vraiment dommage de déclarer forfait !

Opération Shylock Une confession (Operation Shylock A confession, 1993) éditions Gallimard puis Folio, 1995, traduction de Lazare Bitoun, 653 pages en poche.

Pavé de l’été chez Brize. Mois américain
chez Titine.

44 commentaires sur « Philip Roth, Opération Shylock »

    1. Un auteur à lire, mais peut-être pas en commençant par ce roman… Je conseillerais La tache parce que c’est le premier que j’ai lu, mais il y en a bien d’autres !

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  1. il est dans ma PAL aussi et comme j’ai beaucoup aimé « complot contre l’Amérique » ce sera le prochain roman de P. Roth que je lirai 🙂
    je n’ai toujours pas lu « Histoire d’une vie » de Appelfeld…

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  2. Hello 🙂

    De cet auteur je n’ai lu que Le complot contre l’Amérique, quel livre !!
    Ton avis me conforte de relire cet auteur
    Quant à Aharon Appelfeld, toujours pas lu (et pourtant il est dans ma PAL grâce à toi :-))

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  3. J’ai adoré ce livre, tellement que j’ai été incapable de le chroniquer… Oui, il y a des longueurs, mais le roman est tellement riche que c’est un détail.

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    1. La trilogie ? Zuckerman ? Si c’est ça, je ne les ai pas lus. Mes préférés, et qui de loin surpassent quantité d’auteurs américains, sont Némésis, Un homme et Indignation.

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  4. Du peu d’ouvrages que j’ai lu de l’auteur, complot contre l’Amérique est celui qui m’a le moins plu. Pas certaine de lire celui-ci. Heureusement, il y en a d’autres de l’auteur.

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  5. Je connais très mal Philip Roth dont je n’ai lu que deux livres, mais j’ai adoré « Portnoy » cette année. Celui-ci me tente assez, mais je n’ai jamais lu Aharon Appelfeld.

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