Tove Jansson, Fair-play

fairplay« L’été progressait et on était déjà en juin. Joanna continuait de passer d’une fenêtre à une autre, lentement, persuadée que Mari ne l’avait pas remarqué. Elle tapotait le baromètre, sortait dans la cour, descendait jusqu’à la pointe, puis revenait en râlant à cause de la négligence avec laquelle certains objets étaient traités. Elle se plaignait des mouettes qui criaient et copulaient, commentait la radio locale qui diffusait des programmes stupides, notamment sur des expositions de peintres amateurs qui se prenaient pour des génies. »
Mari et Jonna sont artistes et vivent ensemble, en ville ou dans une maison de pêcheur sur une petite île de la Baltique. Elles créent, chacune dans ses domaines artistiques de prédilection, et chacune dans son espace dédié de la maison. Elles vont à la pêche, elles voyagent, au Mexique, en France, elles reçoivent des amis ou connaissances, elles partagent des activités ou se disputent de manière un peu routinière. La vie d’un couple d’un certain âge, qui se connaît depuis fort longtemps, mais continue de s’étonner de telle ou telle réaction pourtant prévisible…

« Le mauvais temps s’approchait. Un spectacle grandiose et étrange se déroulait sur la mer. D’une splendeur encore jamais vue et qui ne se reproduirait probablement jamais. Le ciel s’avançait vers elles, des grains en forme de fins rideaux délicatement dessinés, chacun présentant sa propre particularité. »
Ni récit, ni roman, ni nouvelles, Fair-play consiste en une suite de textes courts, dont les personnages sont inspirés de l’auteure, Tove Jansson, auteure et illustratrice des célèbres Moumines finlandais, et sa compagne, artiste elle aussi. C’est agréable de voir ce livre, qui n’obéit à aucun genre défini, dresser un portrait par petites touches de deux femmes qui peuvent être agaçantes autant qu’attachantes. L’une des nouvelles m’a particulièrement intéressée par la mise en abyme qu’elle propose, en faisant discuter Jonna et Mari à propos d’un texte de cette dernière.
La lecture gagne à être étalée dans le temps, et alors c’est toujours un plaisir de reprendre le livre. Une certaine philosophie, pas dépourvue d’humour, se dégage des pages, un charme aussi, à condition de se laisser faire, et de ne pas chercher midi à quatorze heures.

Fair-play de Tove Jansson (Rent spel, 1989), éditions La Peuplade, février 2019, traduit du suédois (Finlande) par Agneta Ségol, 143 pages.

Repéré chez Cathulu et Clara.
Lire le monde et Objectif PAL.
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21 commentaires sur « Tove Jansson, Fair-play »

  1. Je n’ai pas lu celui-ci ! Mais j’ai vécu en compagnie des Moumines pendant tout mon voyage en Finlande avec ma petite-fille tombée amoureuse de ces petites créatures. On en retrouve partout sur les boîtes de bonbons, les étiquettes de bouteilles, carnets, cartes postales, vêtements, etc… !

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  2. Je garde un souvenir ému de Le livre d’un été (très beaux moments entre une petite-fille et sa grand-mère). J’ai bien envie de reprendre avec elle sur ce livre-là !

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