Richard Powers, L’arbre-monde

arbremonde« À l’intérieur du cadre, sur des centaines de saisons cycliques, il n’y a que cet arbre en solo, son écorce fissurée qui s’élève en spirale vers l’orée de l’âge mûr, grandissant à la vitesse du bois. »
Lire un roman de Richard Powers, c’est toujours un peu une aventure. Aventure géniale avec Le temps où nous chantions, intéressante avec Générosité ou Orfeo, moins réussie avec L’ombre en fuite. On sait qu’il va falloir s’accrocher, faire appel à des connaissances scientifiques refoulées, pour finalement ne pas en avoir besoin, le roman se suffit à lui-même, n’hésite pas à informer, expliquer, théoriser…
Les 170 premières pages de L’arbre-monde présentent tous les personnages un à un, comme huit nouvelles, où chacun développe plus ou moins un intérêt pour un arbre, une espèce ou un spécimen particulier de feuillu ou de résineux : peut-être les personnages sont-ils le châtaignier, le mûrier, l’érable, le chêne, le sapin de Douglas, le figuier ou le tremble ?
Cette première partie fait écho à l’actualité et c’est celle que j’ai préférée, je vous l’avoue d’emblée. Que ce soit le grand-père de Nicholas Hoel qui lance le projet de photographier l’arbre qui trône dans la cour de sa ferme à chaque saison, que ce soit les recherches passionnées de la scientifique Patricia Westerford ou l’héritage que le père de Mimi Ma lui confie, chacun a son intérêt, et pourrait presque être la matière d’un court roman.

« Ça, c’est de la science, et c’est un million de fois plus précieux que tous les serments humains. »
Les premières pages sont donc les racines du livre, voici maintenant le tronc, à savoir le cœur du roman, et l’endroit où tous les destins se nouent. Connaissant l’auteur, vous devinerez aussi que vous n’allez pas pour autant cesser d’apprendre mille et un détails passionnants sur les arbres, la vie de la forêt, les interactions entre les êtres qui y vivent, et surtout l’empreinte trop souvent néfaste de l’homme sur la forêt et les arbres.
Mais il va être question aussi d’activisme, de militantisme écologique. Certains moments émouvants de ces actions me restent forcément en mémoire, mais d’autres m’ont un peu moins intéressée, et finalement, des neuf personnages du début, j’ai trouvé que certains n’étaient pas vraiment indispensables au bon déroulement du récit, et que tout ce foisonnement provoquait un effet un peu pervers, celui de détourner du sujet principal. Pourtant, je dois reconnaître que les portraits tracés par Richard Powers rendent tous ces protagonistes singulièrement vivants.
J’ai admiré une fois de plus le style de l’auteur, surprenant, parfois obscur, souvent percutant, jamais plat ou insignifiant.
La troisième partie, la plus courte, m’a enfin réconciliée avec la vue d’ensemble, et donné envie de prolonger cette lecture par celle d’un essai documentaire sur les arbres. En auriez-vous à me recommander ?

L’arbre-monde de Richard Powers (The overstory, 2018), éditions du Cherche-Midi, 2018, traduction de Serge Chauvin, 533 pages, prix Pulitzer 2019. (à noter que ce roman vient de sortir en poche chez 10/18)

Pour Keisha, « chacun y trouvera matière à intérêt… » Krol s’attendait un peu à autre chose, pour Nicole, le résultat est foisonnant…

Le mois américain 2019 c’est maintenant et ici !
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56 commentaires sur « Richard Powers, L’arbre-monde »

  1. Je sais que je lirai ce roman car c’est un auteur dont j’ai beaucoup aimé « le temps où nous chantions » . J’ai eu grand plaisir à lire ce billet.

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  2. C’est vrai que c’est une aventure de lire un roman de cet auteur! Je n’ai jamais dépassé les premières pages de Générosité! Par contre, j’ai été complètement séduite par Le temps où nous chantions et L’arbre-monde.
    Son tout nouveau roman m’attend, j’espère l’aimer tout autant!

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  3. J’ai terminé pendant les vacances Le temps où nous chantions, et j’ai adoré ! J’attends la sortie en poche de L’arbre-monde, que j’ai bien l’intention de lire, même si tu n’es pas la seule à exprimer des bémols, notamment sur l’utilité de certains personnages.

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    1. Mes bémols ne doivent pas t’empêcher de le lire, il en vaut la peine ! (et oui, il est sorti tout récemment en poche et sans doute déjà sur les tables des libraires)

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  4. Il est toujours dans ma PAL depuis le festival America, je crois qu’il est victime de son encombrement ! alors qu’en poche, je l’aurais déjà lu. Et soyons honnêtes, les bémols lus ici ou là m’ont un peu refroidie, mais je suis décidée à le sortir assez vite de la PAL. Je n’ai pas lu le fameux essai sur les arbres mais je me souviens fort bien de La Grande Librairie où j’avais été fascinée par un auteur, qui critiquait d’ailleurs un peu Peter Wohlleben. C’était Jacques Tassin « penser comme un arbre ».

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    1. Pas franchement pratique dans le sac à main, c’est sûr… J’espère que tu vas le sortir bientôt, je serais curieuse de lire ton avis.
      Et je note « penser comme un arbre », je ne me souviens pas en avoir entendu parler (mais je ne regarde pas toujours LGL)

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  5. J’avoue que « Le temps où nous chantions « est le seul roman de Richard Powers qui m’a passionnée de bout en bout. Je reconnais son immense talent et sa capacité à s’atteler à des sujets complexes, mais il me perd souvent en chemin…

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    1. C’est sûr que je n’ai jamais ensuite été aussi emportée que par Le temps où nous chantions… C’est toujours un peu ardu, mais là, au moins, le thème m’intéressait.

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  6. Un auteur que je n’ai toujours pas lu…Malgré tous le bien que j’en lis. Que ne puis-je me passer de dormir pour pouvoir tout lire!! 🙂

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  7. Bonjour 🙂
    Idem que d’autres commentaires, me vient en tête La vie secrète des arbres de Peter Wohlleben. Je ne l’ai pas lu personnellement par contre, donc je ne sais pas si tu y trouveras ce que tu cherches. En tout cas, Richard Powers est un écrivain que j’aime beaucoup, ma préférence allant à son roman Gains.

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  8. Oui, La vie secrète des arbres. En livre audio, c’était superbe ! (et pourtant, c’était loin d’être gagné pour moi – et les arbres, et l’audio) Je n’avais pas trop accroché avec Le temps où nous chantions, je ne suis pas convaincue que cet auteur soit pour moi mais peut-être que je tenterai L’arbre-monde s’il t’a donné envie d’en lire plus sur les arbres.

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  9. J’avoue que toutes ces chroniques qui mettent en garde contre la difficulté de tenir la distance dans l’univers touffu de Powers me font un peu peur… Mais en même temps, il a l’air tellement bien, ce roman…

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  10. Powers n’est pas un auteur qu’on aborde l’esprit vagabond. C’est pour cela que malgré mon réel désir, pas mal de ses romans sont toujours dans ma Pàl. D’autant, aussi, que je n’ai pas lu certains de ses romans avec un enthousiasme semblable à Le temps où nous chantions.

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  11. Ce livre m’a énormément marquée. Je l’ai adoré ! Comme toi, j’ai trouvé tous les personnages vivants, des portraits très bien réussis, outre le sujet qui est passionnant. Billet encore à l’état de brouillon 😉

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  12. Je n’avais pas vraiment accroché à « Orfeo ». Cela fait longtemps que je veux lire « le temps où nous chantions ». Je pense donc que c’est avec celui-là que je renouerai avec l’auteur.

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Et vous, qu'en pensez-vous ?