Tracy Chevalier, Prodigieuses créatures

prodigieusescreatures« Je me mis à hanter les plages de plus en plus fréquemment, même si, à l’époque, rares étaient les femmes qui s’intéressaient aux fossiles. Cette occupation passait pour une activité peu distinguée, salissante et mystérieuse. »
Je poursuis tranquillement, un peu trop tranquillement peut-être, le mois anglais, avec le premier roman que je lis d’une auteure américaine… mais qui vit à Londres ! Et surtout dont le présent roman se déroule en Angleterre, plus précisément à Lyme Regis, dans le Dorset.
Suite au mariage de leur frère, les trois sœurs Philpot, encore célibataires, se voient contraintes de quitter leur maison d’enfance et de chercher un endroit où loger. Le choix familial s’oriente vers les villes de bord de mer, et particulièrement Lyme Regis, qui leur plaît davantage que Brighton ou Bath. Un cottage, modeste mais avec une vue magnifique sur la mer, accueille les trois sœurs. Si Margaret, la plus jeune des trois, s’enthousiasme pour les bals et la vie mondaine, Louise s’intéresse surtout à la botanique et au jardinage, quant à Elizabeth, elle se passionne pour la paléontologie, dès sa première découverte fortuite de fossile. Elle fait ainsi la connaissance de la jeune Mary Anning, qui a un véritable don pour trouver des pièces rares. Elles deviennent amies, autant qu’une amitié entre classes soit toutefois possible, et de véritables chasseuses de fossiles, tout au plaisir de la découverte de nouveaux spécimens, et à leur étude, à l’opposé des collectionneurs qui ne songent qu’à garnir leurs vitrines pour épater leurs connaissances.

« Ils aimaient mieux appeler cet animal un crocodile et se garder d’envisager une deuxième solution : qu’il s’agisse d’une créature qui n’existait plus sur cette terre.
C’était une idée trop radicale pour la plupart des gens. »

Les deux femmes se heurtent toutefois au machisme et au sexisme ordinaires qui veulent qu’une femme ne comprenne rien à la science. Se pose aussi le problème religieux lorsque Mary trouve un animal qui ne ressemble à rien de connu. Si un tel animal a disparu, pourquoi Dieu l’avait-il créé ? Serait-il possible qu’il laisse disparaître ainsi d’autres espèces, et pourquoi pas l’espèce humaine ? Les questions philosophiques sont plutôt du ressort d’Elizabeth qui ne craint pas de s’opposer à un prêtre ou à des savants réputés…
Avec un style classique et agréable à lire, l’auteure plonge le lecteur avec efficacité dans le début du XIXème siècle. Le rythme, un peu lent, reste compatible avec le genre et l’époque choisis. Si j’ai trouvé un petit manque de peps, en comparaison par exemple avec Miss Charity de Marie-Aude Murail, je ne me suis pas du tout ennuyée et me suis transportée facilement aux côtés des personnages féminins, qui ont réellement existé, du roman. Même si les hommes y sont plus falots ou plus imbus d’eux-mêmes, rarement à leur avantage, le sujet du mariage prend comme il se doit quelque importance à certains moments, ce qui est inévitable s’agissant de femmes célibataires… du XIXème siècle. Les aspects scientifiques et les querelles afférentes sont finement évoqués. Sérieux, solide et captivant, ce roman transporte de manière plaisante et réaliste dans l’Angleterre romantique.


Prodigieuses créatures, de Tracy Chevalier, (Remarkable creatures, 2009) éditions Folio, 2010, traduction de Anouk Neuhoff, 422 pages.

Le mois anglais se trouve ici ou!
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48 commentaires sur « Tracy Chevalier, Prodigieuses créatures »

  1. j’ai lu deux romans de Chevalier, et j’avais bien aimé globalement, même si j’y trouvais quelques défauts. Je n’y ressent pas le « très grand talent » que certains lui trouvent…. Ce roman-ci me faisait bien envie à une époque…tu me le remets en mémoire.

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  2. Je crois que de cette auteure je n’ai vraiment aimé que « la jeune fille à la perle » ensuite je me suis ennuyée avec elle. Mais elle a toujours le même succès à mon club de lecture.

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    1. L’époque de « La jeune fille à la perle » me tentait moins, et celui-ci m’est arrivé entre les mains un peu par hasard… 😉 Je ne regrette pas ma lecture, mais ne relirai pas forcément l’auteure.

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  3. j’ai lu avec plaisir comme tout le monde la Jeune fille à la perle mais aussi La dernière fugitive que j’ai bien aimé par contre celui là m’avait agacé je n’ai pas aimé les personnages qui gravitent autour des demoiselles et le ton m’a semblé faux dommage car le sujet m’attirait beaucoup

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    1. Je n’ai pas trouvé ce ton faux… ce qui me fait arrêter ma lecture en général, mais ce ressenti varie d’une personne à l’autre, bien sûr. Je ne suis pas tentée par La jeune fille… Le sujet de La dernière fugitive me parlerait davantage… peut-être…

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  4. Je garde un excellent souvenir de ce roman de Tracy Chevalier, lu il y a quelques années pour le mois anglais aussi. Cette auteure, qui peut paraître un peu falote à divers égards, me fait toujours un effet doudou ultra confortable lorsque je la lis. C’est ce qui me pousse à revenir toujours vers elle malgré ses travers.
    Et tu as raison, nos chroniques aujourd’hui se répondent !

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    1. Tout à fait, après des lectures plus exigeantes, c’est apaisant, (sans être gnangnan) de lire ce genre de roman… Je crois que nous avons qualifié de la même manière son écriture, et la construction est à l’avenant, claire et très lisible. Sans oublier le thème de la place de la femme dans l’histoire (dans ses autres romans aussi, je crois ?)…

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  5. Et bin j’avais vu sa fille a la perle…j’avais vraiment aime l’ambiance….pourquoi ne pas continuer avec celui-ci qui me fait penser a Gaskell et son femmes et filles (que j’avais bien aime d’ailleurs)

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    1. Je ne sais pas pour la comparaison avec Gaskell, d’elle je n’ai lu que Mary Barton, mais oui, il doit y avoir une sorte de parenté lointaine… deux auteures à lire, alors !

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  6. Je l’ai dans ma PAL il faut que je le lise. Ton avis me donne envie de le lire prochainement… Dans la même veine je te conseille Le serpent de l’Essex qui traite du même sujet.

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  7. Je n’ai jamais lu cette auteure
    Pourtant elle est bien représentée dans les bibliothèques municipales que j’ai fréquentées jusqu’ici ….
    Un jour sûrement…

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    1. Dans toutes les bibliothèques, on doit la trouver… Ce n’est pas pour autant de la littérature trop « facile », mais assez classique, oui. Je la relirai peut-être à l’occasion.

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  8. il est toujours dans ma PAL!!! j’ai beaucoup aimé « La jeune fille à la perle » et celui-ci devait suivre!
    je note par contre « Le récital des anges » que je ne connaissais pas 🙂

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  9. Hum je n’ai lu qu’un roman de l’auteur, plaisant sans plus, pas palpitant, et je m’étais promis d’en rester là. Tu n’es pas très très enthousiaste!

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  10. Je n’ai lu que La jeune fille à la perle de Tracy Chevalier, et ça remonte, j’avais beaucoup aimé. Je ne sais pas pourquoi je ne suis pas (encore ?) revenue à cette auteure…

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  11. C’est un de ceux que j’ai préférés de cette auteure que je lis avec toujours tant de plaisir. J’avais appris beaucoup de mots, entre autres, et les personnages féminins sont toujours très forts.
    Bonne journée.
    BONHEUR DU JOUR

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