Johanna Sinisalo, Jamais avant le coucher du soleil

jamaisavantlecoucher« Qu’est-il pour moi ?
Un protégé, un peu comme un pigeon à l’aile cassé ? Ou un animal de compagnie exotique ? Ou une sorte d’invité aux mœurs un peu étranges mais plein de séduction, qui s’attarde quelque temps et partira le moment venu ?
Ou autre chose encore ? »
La lecture du roman Le sang des fleurs m’a donné envie d’en lire plus de son auteure, Johanna Sinisalo, d’où cette lecture commune à laquelle je me suis jointe bien volontiers, pour lire un deuxième roman de l’auteure finlandaise, qui s’avère être le premier qu’elle a écrit.
Pour résumer en quelques mots, la vie de Ange, jeune photographe de publicité, se trouve chamboulée lorsque devant chez lui, un soir, il recueille un jeune individu agressé par des loubards.
Un individu d’une espèce peu commune, puisqu’il s’agit d’un troll. Et l’auteure de citer aussitôt des extraits d’encyclopédies, de journaux ou de livres scientifiques concernant la vie de ces habitants des forêts scandinaves. Les adultes peuvent atteindre deux mètres de haut, et sont carnivores, mais le protégé d’Ange est un bébé, tout attendrissant. Le jeune homme juge cependant plus prudent de n’en parler à personne et commence pour lui une longue série de dissimulations et mensonges divers, grâce auxquels il va bientôt ne plus trop savoir où il en est.

thomas_dambo2« Ses yeux brûlent tels des incendies de forêt dans la nuit. »
L’écriture claire et précise de Johanna Sinisalo, pas exempte de jolies phrases plus lyriques quand le moment l’exige, s’empare du sujet et, le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elle ne recule devant rien, quand elle tient une idée. Elle va jusqu’au bout du bout, quitte à proposer des situations un peu scabreuses parfois.
Vous aurez donc compris que s’il arrive qu’on sourie parfois, il ne s’agit pas d’une fantaisie dans le genre des romans de Arto Paasilinna, ni d’un conte, mais d’une extrapolation sur une situation : « Et que se passerait-il si les trolls existaient et que quelqu’un recueille un jeune égaré ? » Cette supposition est prétexte à réfléchir sur l’intelligence animale qui ne se laisse pas toujours dominer par l’intelligence humaine. C’est d’ailleurs un thème qui sera développé dans Le sang des fleurs. De même, le roman travaille sur l’opposition entre vie sauvage et civilisation, la sauvagerie n’étant pas forcément du côté le plus évident. Alors, le message passe parfois un tout petit peu en force, sans trop de subtilité, mais rappelons qu’il s’agit d’un premier roman. La construction à plusieurs voix est bien utilisée, et renforce l’avidité à savoir comment tout cela va tourner.
thomas_dambo1J’ai trouvé très intéressantes les questions soulevées, et ai, dans une certaine mesure, essayé de comprendre les réactions du personnage principal. Les seconds rôles, collègue, ami, voisine ou amant de Ange, servent surtout à maintenir le suspense, mais attirent moins la sympathie.
Le point fort du roman, son indiscutable originalité, l’inscrit dans le même thème que celui lu auparavant, le thème de la relation de l’homme à la nature, indispensable et fondamental. Si j’ai préféré Le sang des fleurs, ce livre peut permettre de découvrir une auteure inclassable, qui gagne vraiment à être connue.

Jamais avant le coucher du soleil de Johanna Sinisalo, (Ennen païvänlaskua ei voi, 2000) éditions Actes Sud, 2003, traduit par Anne Colin du Terrail, 318 pages, existe en poche.

Les illustrations présentent les trolls géants en bois, créations de Thomas Dambo, un artiste danois.

Lecture repérée chez Keisha, pourvoyeuse d’idées de romans sortant des sentiers battus, et en commun avec A girl from earth et Inganmic.

Lire le monde : Finlande

38 commentaires sur « Johanna Sinisalo, Jamais avant le coucher du soleil »

  1. Je suis personnellement ravie de cette découverte, j’ai notamment été assez bluffée par la manière dont l’auteure mêle très habilement la dimension fabuleuse et ses questionnements très concrets..
    Et je note donc Le sang des fleurs..

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    1. Je suis contente aussi de cette lecture commune qui met en avant une auteure peu connue ici (il doit en aller tout autrement en Finlande). Je poursuivrai la lecture de ses romans.

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  2. Le sang des fleurs manque à ma collection de lecture!
    Mais avec ce troll, tu as raison, l’auteur ne recule devant rien ^_^

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  3. Je ne me souviens pas d’avoir noté Le sang des fleurs n i le nom de l’auteur (au fait ton lien ne renvoie pas au Sang des fleurs mais à ce billet-ci) ais voilà une lecture nordique intéressante à noter !

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  4. je ne connais pas du tout l’auteure alors pourquoi pas même si les trolls ne m’attirent pas particulièrement, cela fait du bien d’innover de temps en temps 🙂

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  5. Avec ce que tu dis, je tenterai plutôt « le sang des fleurs ». Les auteurs finlandais sont bien barrés parfois, un peu comme les Islandais. Ils ont des imaginaires qui se rejoignent.

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  6. C’est très particulier et ça m’avait laissé une impression étrange mais j’avais bien aimé.Le moisn qu’on puisse dire, c’est que c’est une lecture originale.
    Daphné

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  7. J’arrive après la bataille mais je suis déjà bien contente d’avoir tenu la date de la LC cette fois-ci.:-) Oui, un roman particulier mais non dénué de curiosités – mais particulier quand même. J’aime bien tes photos de troll. J’avoue que j’ai eu beaucoup de mal à me représenter cette créature tout au long de ma lecture. Très intéressant ta lecture de ce roman en tout cas. Et bien ravie d’avoir encore Le sang des fleurs à découvrir.

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    1. Moi aussi j’avais un peu du mal à me représenter le troll, d’où ma recherche sur le net. J’aime mieux la couverture du roman de Stefan Spjut, La chasseuse de trolls.

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  8. Je suis en train de le lire. J’ai beaucoup de mal à le finir. Je trouve ça lourdingue je passe visiblement à côté du charme de cette auteure.

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