« J’ai progressivement pris conscience qu’aucun endroit où j’étais passé n’arrivait à la cheville de Willnot sur le plan de la tolérance envers sa population. Sans encourager en quoi que ce soit les comportements transgressifs ou aberrants, la ville refusait d’isoler leurs auteurs ou de les mépriser. Mue par une sorte de fatalisme collectif, elle préférait regarder ailleurs et vaquer à ses occupations. »
J’ai grande envie de vous parler de ce roman, mais je me trouve bien ennuyée au moment de le résumer, ce qui semble à peu près impossible à faire de manière claire. Essayons de citer au moins quelques faits : des cadavres sont découverts dans la petite ville de Willnot, et le médecin du coin est appelé à la rescousse pour donner son avis sur cette trouvaille. On suit ensuite Lamar, le médecin, dans sa vie quotidienne, parmi ses patients se trouve un vétéran passablement déboussolé qui disparaît aussi vite qu’il était apparu. Quant au lycée local, on suit aussi ce qui s’y passe grâce à Richard, le compagnon de Lamar, qui y enseigne.
« Ça m’a… rappelé des souvenirs. » Un sourire indéniable, cette fois. « Ce qui est une bonne chose. On devrait payer les gens pour qu’ils nous rappellent nos souvenirs. Un nouveau métier. »
L’auteur était aux Quais du Polar et j’ai eu le plaisir de l’écouter dans une table ronde avec Ron Rash et Chris Offutt, à parler tous trois, non sans humour, de l’Amérique dans tous ses états et d’écriture.
Voici une excellente surprise glanée sur l’étagère des nouveautés à la bibliothèque. Après un début qui évoque un polar, l’aspect chronique de petite ville prend le dessus, et de quelle façon : avec malice, tendresse, et une énorme dose d’humanité. S’il faut au début prendre un peu ses marques, s’habituer à l’humour de l’auteur qu’on rencontre pour la première fois, la suite est juste un régal. Mélangeant avec dextérité les thèmes de la vie difficile dans les petites villes, du stress post-traumatique, du vieillissement, qui peuvent sembler sombres, le roman convainc par sa sincérité. Au début, le texte reste un peu hermétique, fermé sur lui-même, et sur les questions qu’il pose, mais grâce à cela, il devient difficile à lâcher.
« – Il t’arrive de repenser à ton enfance, Lamar ? À cette part essentielle de notre vie qui nous manque ?
– Comme je te l’ai déjà dit, je n’en ai jamais vu l’intérêt. Je n’en ai jamais eu envie. Je me suis construit sans éprouver ce besoin-là. S’il nous manque quelque chose ? Sans aucun doute. Mais c’est pour ça qu’on lit, non ? Pour ça qu’on tisse des liens avec les autres. Ça nous permet de nous faire une idée de ces vies qu’on ne peut pas vivre. »
Imaginez lorsque l’humour se mêle de philosophie, de réflexions sur la vie, sur la foi en l’humanité, sur le sens de l’histoire, sur la mort, parsemées de citations pertinentes, de dialogues réjouissants, et d’anecdotes sur la vie à Willnot, moitié ville réelle, moitié ville-fantôme…
Ce mélange des genres, qui pourrait sembler un peu désordonné, marche particulièrement bien, un peu à la manière de Richard Russo quand il décrit la ville imaginaire de Mohawk. Parfait pour les adeptes de chroniques américaines de la vie rurale, ce roman séduira aussi de nombreux autres lecteurs, pourvu qu’ils ne s’attendent pas à un polar classique ou à un thriller. On en est loin !
Willnot de James Sallis (2016) éditions Rivages/noir (février 2019) traduction de Hubert Tézenas, 220 pages.
Effectivement, les thèmes sont intéressants. Je crois que je n’ai jamais lu cette maison d’édition. Je ne suis pas très polar mais de plus en plus malgré tout. A force de lire des billets tentateurs.
J’aimeJ’aime
Là, à part la couverture noire, on n’est pas du tout dans un polar, et si ça m’a un peu surprise au début, j’ai complètement adhéré après !
J’aimeJ’aime
Ce qui m’attire dans ce roman , c’est que ce n’est pas un polar mais une chronique dune petite ville américaine. S’il fait penser à Russo c’est un plus pour moi.
J’aimeJ’aime
C’est l’auteur qui m’est venu à l’esprit à la fin de ma lecture, en tout cas… à cause de la tendresse pour les personnages, je pense (et du décor)
J’aimeJ’aime
Si ça n’est pas un polar, ça me tente. Je fais partie des adeptes de chroniques américaines de la vie rurale.
J’aimeJ’aime
La petite ville de Willnot est au centre du roman, avec ses habitants bien sûr.
J’aimeJ’aime
Si tu parles de Russo, je suis cuite car je vois bien que ça me plairait!
J’aimeJ’aime
Je ne connaissais pas James Sallis, mais là, je sens que je vais devoir explorer son œuvre ! 😉
J’aimeJ’aime
J’aime bien les livres qui affichent un genre en façade et qui sont bien plus en réalité, un peu comme certains romans SF. J’y regarderai donc de plus près !
J’aimeJ’aime
J’ai beaucoup cela aussi, qu’un livre me surprenne et m’emmène ailleurs…
J’aimeJ’aime
Forcément la comparaison avec Richard Russo m’incite a le noter … Forcément …
J’aimeJ’aime
J’espère que tu seras d’accord avec cette comparaison ! 😉
J’aimeJ’aime
Noté ! On met un peu trop de livres dans les polars maintenant, alors que la palette est plus large. Il vaut mieux savoir que ce n’est pas le cas ici.
J’aimeJ’aime
J’aime bien m’attendre à un polar et découvrir autre chose, mais ce n’est peut-être pas le cas de tout le monde, alors mieux vaut le savoir, effectivement.
J’aimeJ’aime
Magnifique pour nous, lecteurs et lectrices, la troisième citation ! Et billet très tentant… 😉
J’aimeJ’aime
Oui, cet homme sait nous parler ! 😉
J’aimeJ’aime
Cel me semble très intéressant, je note
J’aimeAimé par 1 personne
Plus un roman sur l’Amérique profonde, alors.
J’aimeJ’aime
Oui, avec des personnages attachants, un peu atypiques également…
J’aimeJ’aime
Mais c’est pour moi ça !!!!
J’aimeJ’aime
Oui, tout à fait !
J’aimeJ’aime