Shih-Li Kow, La somme de nos folies

sommedenosfoliesRentrée littéraire 2018 (10)

« Gare au choléra. Gare aux tourbillons et aux courants. Ils publiaient des consignes de survie dans des journaux qui n’étaient pas distribués ici et qu’on lisait dans la capitale en sirotant un café latte frappé, bien installé au sec chez Starbuck. Gare à la vie. »
Une inondation est le point de départ du roman, et permet de faire connaissance avec la petite communauté villageoise de Lubok Sayong, et en particulier avec Beevi, qui sans être un membre influent de la communauté, en constitue l’épicentre, le tourbillon fantasque. Beevi, et aussi le poisson qu’elle décide de relâcher à l’occasion de la crue, et qui interviendra plus tard dans un événement dramatique. La famille d’où est issue Beevi est compliquée, bien loin de la famille nucléaire occidentale. Bienvenue en Malaisie !

« Je m’interroge souvent à propos de cet endroit, l’ai-je vraiment rêvé, ou seulement imaginé à partir d’une photo dans un magazine, ou, pire encore, peut-être en ai-je effacé le souvenir après l’avoir vu réellement. »
Dès les premières lignes, le mélange entre souvenirs, légendes plaisamment racontées, faits réels contemporains, et histoire de famille, ce mélange donc est dosé avec une assurance qui surprend, venant d’une primo-romancière. Les deux narrateurs sont un vieil homme et une jeune fille… Auyong dirige une conserverie de lichees, son amitié avec Beevi lui permet de l’observer avec empathie et une bonne dose d’humour, et son expérience de relater de nombreuses anecdotes concernant la ville de Lubok Sayong. Quant à Mary Anne, adolescente moderne élevée dans un pensionnat où toutes les fillettes sont nommées Mary Quelque Chose, elle va découvrir la ville, et ses habitants hauts en couleurs, après des péripéties que je ne dévoilerai pas ici.

« En même temps, j’avais peur de grandir parce qu’il me faudrait prendre part à ces mystères qui m’échappaient encore. Je collectionnais les coquillages, mais sans comprendre ce qui donne sa forme à un coquillage. »
La famille, les liens de parenté, la transmission, mais aussi l’invasion de la modernité jusque dans les petits villages, la permanence des contes et légendes, la mémoire et les souvenirs, la question du genre avec le personnage de Miss Boonsidik, les rapports entre les différentes communautés religieuses, un kaléidoscope de thèmes harmonieusement tissés entre eux, sans que l’un surpasse ou éclipse l’autre, voilà ce qui compose ce roman parfois émouvant, souvent très drôle. Et si le réalisme magique n’est pas l’apanage de la littérature hispano-américaine, il fait aussi merveille en Malaisie où chaque histoire composant ce roman en est fortement teintée. Mais quand je parle d’histoires, il ne s’agit pas de nouvelles, je pense que le terme le plus adéquat est « chroniques », des chroniques liées par une trame romanesque légère formant un ensemble des plus attachants… et pour laisser parler le roman une dernière fois : « Je voudrais dire à ceux qui passent, à qui voudra bien m’écouter, que les leçons viennent de la vie et non des histoires. »


La somme de nos folies de Shih-Li Kow, (The sum of our follies, 2014) éditions Zulma (août 2018), traduit de l’anglais par Frédéric Grellier, 367 pages.

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Lu pour les Matchs de la Rentrée Littéraire 2018. Les lectures d’Hélène, Leiloona (marraine des MRL), Nicole et Yv.
Lire le monde : la Malaisie.
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30 commentaires sur « Shih-Li Kow, La somme de nos folies »

  1. je le vois beaucoup tourner, et il semble très sympa ce roman. En plus je n’ai jamais rien lu à propos de la Malaisie…l’occasion de découvrir ce pays!

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