« Il savait qu’avec sa charrette à bras, qu’elle louait à un certain Mathias, qui en avait une pleine cour, rue Censier, elle se dirigeait vers les Halles pour s’approvisionner en légumes ou en fruits. A six heures, elle prenait sa place au bord du trottoir, en face du marchand de chaussures, alors que la grand-mère s’installait, une centaine de mètres plus bas, près de l’église Saint-Médard. »
Le mois belge est l’occasion idéale de sortir de ma « pile à lire » un volume trouvé dans une boîte à livres de mon quartier et comportant trois romans de l’auteur d’origine belge. Je ne vous parlerai cependant que du premier, j’ai gardé les autres pour plus tard. Celui-ci me tentait vraiment lorsque j’ai vu qu’il s’agissait du roman préféré de Georges Simenon, où il avait mis beaucoup de lui-même. Il y a imaginé la biographie d’un peintre fictif dont l’œuvre, à défaut de la vie, ressemble à celle de Chagall, et le caractère, à celui de Simenon lui-même… Ce petit garçon, Louis, montré dès l’éveil de sa conscience, aux alentours de quatre ou cinq ans, est singulièrement touchant, par son sens de l’observation rêveuse, son manque de combattivité, sa gentillesse, qui lui valent le surnom de « petit Saint ». Sa famille est des plus pauvres, sa mère élève seule six enfants dans une pièce unique dont le poêle constitue le centre. Elle est marchande des quatre saisons, travaille dur, mais boit et reçoit souvent des hommes le soir.
« – Celui-là, il ne s’intéresse à rien.
C’était peut-être vrai. Certaines phrases, cependant, certaines intonations, se casaient dans sa mémoire, sans qu’il se préoccupe de les mettre en ordre, de les rapprocher les unes des autres, d’essayer de comprendre. »
Malgré une promiscuité assez sordide, malgré les maladies, le manque de goût pour l’école, Louis grandit, se fait une place dans la famille. Il ne ressemble pas vraiment à ses frères et sœurs, ne s’intéresse pas aux mêmes choses… Petit, Louis peut passer des heures à regarder par la fenêtre, se délecter de ce qu’il découvre lors d’un trajet en tramway, et plus grand, la première fois qu’il accompagne sa mère aux Halles, son sens particulier des couleurs, des sons, des odeurs, fait qu’il est ébloui et fasciné par ce monde nouveau. Il y retournera souvent et finira par y travailler. Mais le moment où il découvre la peinture est encore plus prodigieux…
« Au lieu d’étendre les couleurs avec soin, comme sur un mur ou sur une porte, il choisissait un pinceau fin et déposait sur le carton de petites touches de tons purs. Car il restait hanté par les couleurs pures. Elles n’étaient jamais assez claires, assez vibrantes à son gré. Il aurait voulu les voir frétiller. »
Le style de Georges Simenon fait merveille pour retracer minutieusement cette enfance et cette jeunesse hors du commun. Là où je déplore bien souvent l’emploi du présent dans les romans biographiques contemporains, son imparfait ne saurait mieux sonner, ses dialogues touchent juste, ses personnages s’incarnent. Et surtout, ses descriptions sont vives, animées, et permettent d’imaginer ce que le petit Louis en retient, et qu’il juxtaposera dans des tableaux colorés et joyeux, où le coq voisinera avec la Tour Eiffel, le cheval tirant une charrette avec la mariée en robe blanche…
Une très jolie découverte, que cette naissance d’un artiste, bien loin du commissaire Maigret et de ses enquêtes…
Le Petit Saint de Georges Simenon, 1965, dans Le Monde de Simenon volume 12, existe en Livre de Poche, 219 pages.
Le mois belge, c’est chez Anne.
Ce livre participe aussi à l’Objectif PAL chez Antigone, et, pour faire bonne mesure, Lire le monde chez Sandrine !
Il faut que je revienne à Simenon, j’en avais lu deux l’année dernière (très noir!)
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Celui-ci n’est pas toujours noir, et même assez lumineux par moments…
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c’est un auteur qui ne m’a jamais plu alors qu’autour de moi tout le monde aimait beaucoup.
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Mon père en lisait beaucoup, j’avais un peu délaissé cet auteur après avoir lu un bon nombre de Maigret et d’autres… j’aime en lire ou relire un de temps à autres.
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Je ne connais pas ce livre mais Simenon a tant écrit et a tant exploré les recoins del’âme qu’il est devenu un « classique » toujours à (re)découvrir.
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Parmi ses très nombreux livres, on peut toujours en découvrir !
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Une découverte totale en ce qui me concerne. Décidément ce Simenon a plus d’une corde à son arc.
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J’avais ce livre, et n’avais pas accordé plus que ça de regard au résumé… L’évocation de Chagall me l’a fait choisir sans hésitation.
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J’aime beaucoup Georges Simenon et ce serait un moyen de le lire avec d’autres personnages.
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Ce sont ces romans sans policiers que je préfère…
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Un classique… que je n’ai jamais lu. J’en ai une image un peu vieillotte, à vrai dire. Mais il semblerait que j’aie tort!
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Mais, oui, chère Delphine, je crois que tu as tort ! 😉
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Celui-là, je ne suis sûre de ne pas l’avoir lu ! Un petit retour à Simenon ne serait pas pour me déplaire, avec ou sans Maigret.
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Difficile de se souvenir des titres de ceux qu’on a lus… mais il n’y pas trop de risques de se tromper, et ils ne sont pas très longs, en général.
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Je ne connaissais pas ce titre mais je le note, j’aime toujours beaucoup le Paris des Halles et si en plus il y a la peinture, alors…
Décidément la Belgique est à l’honneur ce mois-ci.
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Il y a des descriptions parlantes du quartier, de la maison, des commerces… On s’y croirait !
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J’avais lu mon premier Simenon l’année dernière, j’avais bien aimé mais je voulais découvrir d’autres auteurs cette année. Ses romans sans Maigret m’ont l’air vraiment plein d’intérêt. Je note celui-là.
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Tu vois, je te facilite le travail : plus qu’à noter ! 😉
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Simenon gagne a être lu je trouve, il y a plus de richesses dans ces textes que ce que l’image de Maigret a laissé.
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Pour ceux qui ne connaissent que les téléfilms, c’est dommage, il faut le lire, vraiment !
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Je n’ai pas lu Simenon depuis mon adolescence… Si ça se trouve, je le comprendrai mieux maintenant, certaines scènes me rebutaient alors ;). On trouve parfois de bien belles choses dans les boîtes à livre !!
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Certains de ses romans sont très noirs, mais effectivement, ce doit être moins choquant en comparaison avec ce qu’on a lu entre temps…
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Simenon est encore et toujours un écrivain à découvrir. Je n’ai pas lu ce roman-là. Merci de m’en parler.
Bonne journée.
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