Bernard Quiriny, L’affaire Mayerling

affairemayerlng« Ce n’est pas nous qui choisissons l’endroit où nous voulons vivre, c’est l’endroit qui nous choisit. Quand vous visitez un logement à vendre, c’est en fait lui qui vous regarde. Il se demande s’il veut de vous, si votre bobine lui revient. »
Commençons en fanfare le mois belge avec un roman lu en février et dont la chronique a été gardée sous le coude pour le mois belge ! Je me suis souvenu in extremis que Bernard Quiriny était originaire du plat pays, et pourtant j’avais déjà lu Contes carnivores et Le village évanoui, ce n’est donc pas une première rencontre avec l’auteur dont j’ai déjà pu apprécier l’humour et l’acuité à observer le monde contemporain. Il exerce ici ses talents sur le thème du logement et l’habitat. Avec le voisinage, ce sont des sujets de préoccupation universels, et pourtant assez peu traitées en littérature, surtout sur un mode mi-humoristique, mi-dramatique.

« Il y a une armée pour défendre le pays. Eh bien, toutes proportions gardées, il y a des riverains pour défendre le quartier. »
En effet, tout ne va pas pour le mieux dans l’immeuble de prestige baptisé le Mayerling par ses promoteurs, à Rouvières, quelque part dans une banlieue bien cotée. Alléchés par une somptueuse brochure vantant les mérites de ce futur immeuble, les acheteurs n’ont pas hésité longtemps, qui à réaliser un premier achat, qui à trouver un nid douillet pour ses vieux jours, qui à investir dans la pierre. Mais dès les premiers temps, des écarts entre le rêve et la réalité apparaissent : un copropriétaire est assommé par les bruits de ses voisins, un autre se plaint d’odeurs envahissantes, un jeune couple amoureux devient agressif et nerveux, une dame veuve très pieuse se met à recevoir de nombreux « messieurs », d’autres connaissent des problèmes de plomberie insolubles… On reconnaît là des aléas de la vie en immeuble, mais il semblerait que le Mayerling cumule tous les problèmes.

« Les touristes veulent des immeubles avec vue sur la mer ; les promoteurs, pour les satisfaire, pompent sur les plages le sable nécessaire au béton ; les touristes n’ont plus ensuite qu’à s’installer dans leurs immeubles neufs face à la plage disparue, remplacée par un paysage lunaire. »
Tout ne va donc pas pour le mieux, et le rêve sur papier glacé se transforme en cauchemar pour tous. Même une union entre habitants peine à rétablir pendant quelques temps un semblant de quiétude, avant que d’autres ennuis ne pleuvent sur les malheureux copropriétaires. Satire à charge de la vie en immeuble collectif, le roman décrit avec un humour un peu potache assorti de réflexions souvent subtiles, des dérives qui, prises une à une, se produisent bien souvent, mais qui, ajoutées les unes aux autres, rendent la vie vraiment impossible. On rit, mais un peu jaune, des déboires des pauvres habitants du Mayerling, coincés dans une union indissoluble avec leur 80 ou 100 mètres carrés que la mauvaise renommée croissante de l’immeuble rend invendable.
L’auteur pousse son affaire jusqu’au bout de sa logique, intrigue en se demandant si ce n’est pas le bâtiment lui-même qui se retourne contre ses habitants, et on a hâte de savoir comment tout cela va se terminer ! Ce n’est pas le roman du siècle, mais cela se lit fort bien, et souvent avec le sourire.

L’affaire Mayerling de Bernard Quiriny, éditions Payot et Rivages (janvier 2018), 300 pages.

Les avis de Mic-Mélo et Virginie.


Première lecture pour le mois belge à retrouver chez Anne.
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42 commentaires sur « Bernard Quiriny, L’affaire Mayerling »

  1. J’en suis encore à me demander ce que je vais lire pour le mois belge, alors voilà qui pourrait me donner une idée (et me faire grincer des dents, les problèmes en immeuble collectif, je connais).

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  2. Je l’avais repéré (mais pas ma bibli, hélas) . j’ai contes carnivores sur mes étagères, mais j’attends le moment. Actuellement je suis dans un polar (belge!!!) Bon mois belge à toi!

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  3. Une autre idée pour le mois belge, du même auteur « Une collection très particulière », des nouvelles entre Calvino et Borgès et humour « belge ». Excellent ! Pour ce titre, j’attends la sortie en poche, mais il est noté.

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  4. Cet auteur n’est pas dans mes choix retenus pour le mois belge de Madame lit mais je l’avais repéré. Je viens de voir sur le blog d’Anne qu’elle parle de la foire du livre de Bruxelles, heureusement que je suis loin…

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  5. Aaah Quiriny, j’aime beaucoup ! J’aurais pu le choisir aussi pour le mois belge mais je voulais en profiter pour découvrir d’autres auteurs. En tout cas, je note ce livre que je n’ai pas encore lu et qui, je sens, me plaira beaucoup !

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    1. Le titre reprend le nom de l’immeuble, lui-même venant du nom de la rue où il est construit… mais l’auteur ne l’a sans doute pas choisi au hasard !

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  6. Je n’ai jamais lu Bernard Quiriny et je ne sais pas si cela pourrait me plaire. Celui-ci, pourquoi pas ? Ta troisième citation est tellement bien sentie, et ironique, quand on sait combien la côte belge est bétonnée…

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    1. Le roman ne manque pas de notations assez acides sur l’urbanisme, la construction, (l’auteur n’aime guère le béton, dirait-on) la vie en copropriété…

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  7. J’ai pensé à Mayerling.. j’ai cru que c’était un livre sur ce drame historique 😉 mais en lisant ta critique je découvre un ouvrage qui parle de tout sauf de ça. J’aime bien les livres qui font sourire, ça fait du bien de temps en temps. Bonne soirée à toi 🙂

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    1. Essaye Jacqueline Harpman, Claudialucia. Très belle écriture et thématiques féminines ou autres très bien. Ellee est publiée au Livre de poche notamment.

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  8. Je ne savais pas qu’il était belge (ou j’ai oublié). Je n’avais pas été emballée par le seul livre que j’ai lu de lui.

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  9. Lu avec mon club de lecture IRL, pfff, qu’est-ce qu’on a été déçues … beaucoup n’ont même pas fini ce qui commençait comme une agréable pochade puis finit de façon grand-guignolesque … Désolée mais j’ai envie d’amener un gros bémol, là!

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