« J’ai vingt-huit ans et j’arrive à Rennes avec pour tout bagage trois mots de français – Jean, Paul et Sartre. J’ai aussi mon carnet de soldat, cinquante deutsche marks, un stylo à bille et un grand sac de sport vert olive élimé d’une marque yougoslave. »
Ainsi commence le roman de Velibor Čolić, publié en 2016. S’il relate son arrivée en France et ses débuts d’écrivain, ce n’est cependant pas son premier roman, il en a fait paraître plusieurs auparavant aux éditions Gaïa, puis chez Gallimard. Quoi qu’il en soit, c’est le premier que je lis, et il me semble parfait pour découvrir l’auteur.
Ces chroniques relatent donc sa découverte d’un monde nouveau, « anguleux et dangereux », l’errance d’un banc à un autre, l’arrivée au foyer de demandeurs d’asile, les cours de langue, les filles, le métro parisien, les leçons de Mehmet sur tous les trucs qu’un réfugié doit savoir, la soif de littérature et d’écriture, puis lorsque l’horizon s’éclaire, l’obtention de papiers, la résidence d’écriture à Strasbourg, le voyage à travers l’Europe…
« Il me faut apprendre le plus rapidement possible le français. Ainsi ma douleur restera à jamais dans ma langue maternelle. »
Le plus remarquable est immédiatement l’écriture, un style original et frais, qui me semble particulier aux auteurs dont le français n’est pas la langue maternelle, et assaisonné ici d’une bonne dose d’humour dont l’auteur fait lui-même les frais, mais les Français ne manquent pas non plus de succomber aux flèches lancées par ce Candide des temps modernes !
Il ne faut pas s’attendre à autre chose qu’à des chroniques de l’exil, racontées chronologiquement, mais pas de manière monotone. Des variations dans la forme, et un humour vivifiant viennent rendre la lecture particulièrement plaisante. J’ai adoré certains passages comme la rencontre avec LGP, à savoir Le Grand Philosophe, spécialiste de la Bosnie, et pourtant je me suis gentiment, mais brièvement, ennuyée à d’autres.
Je me dois de le signaler, mais j’insiste, cette lecture est globalement agréable et prometteuse quant à la lecture future d’autres romans de l’auteur. Ces quelques passages qui m’ont un peu moins emballée sont peut-être simplement la conséquence d’un trop plein de lectures sur le thème de l’exil. Mais si les livres sur ce sujet présentent quelques passages obligés communs, pour chaque exilé, l’expérience est différente, intense et difficile à vivre, et on n’écrira jamais trop de romans sur l’exil. Alors, je vous laisse sur un extrait qui montre comment Velibor Čolić peut dans un même paragraphe passer de la boutade au souvenir poignant et empreint de poésie. Et rien que pour ça, ce roman vaut d’être lu !
« La question posée par le colonel est simple : voulons-nous rejoindre la glorieuse Légion étrangère ?
Mes deux amis russes se mettent immédiatement au garde-à-vous et moi je fais une des plus belles pirouettes de ma vie. Je me retourne et je quitte le bureau sans même dire au revoir. J’ai vingt-huit ans et j’ai déjà servi dans l’Armée populaire yougoslave, puis dans la défunte armée bosniaque. J’en ai plein le dos des armes et des drapeaux, des nuits sans fin qui mordent les mains et des aubes violettes qui commencent avec les obus ennemis. »
Manuel d’exil Comment réussir son exil en trente-cinq leçons de Velibor Čolić, éditions Folio (2017) paru chez Gallimard en 2016, 230 pages
Repéré chez Athalie et Inganmic.
L’auteur sera au Festival Étonnants voyageurs en mai.
C’est ma première participation au mois de l’Europe de l’Est organisé par Eva, Patrice et Goran. Cette lecture entre aussi dans Lire le monde.
C’est comme les livres sur la déportation, aucun témoignage n’est le même et on a toujours à découvrir. Je note cet auteur que je ne connais pas, les quelques longueurs ce n’est pas très grave.
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Ce ne sont même pas vraiment des longueurs, juste des passages qui me parlaient un peu moins…
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Je viens de m’apercevoir qu’il a écrit « La Vie fantasmagoriquement brève et étrange d’Amadeo Modigliani »…
Après « Je m’appelle Jeanne Hébuterne », ce pourrait être une lecture à ne pas manquer !
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Ce serait en effet intéressant de comparer deux points de vue sur Modigliani… Le titre intrigue déjà.
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J’ai beaucoup aimé ce roman, lu après avoir écouté l’auteur en parler à Brive. Je n’ai pas lu des tas de romans sur le sujet – enfin totalement sur ce sujet – et j’ai trouvé que vraiment c’est ici une réussite. Le ton, l’humour, la belle langue aussi, j’ai tout aimé !
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C’est la langue qui m’a le plus épatée, et j’ai apprécié l’humour de bout en bout.
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Merci pour ce super article et ta participation…
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Merci, Goran, je récidive bientôt avec une autre lecture !
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J’ai hâte 🙂
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Hum, je peux voir, si c’est en bibli, bien sûr (je crois avoir vu un autre titre)
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Je ne peux rien dire au sujet des autres, mais tu auras des indices dans les commentaires…
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Chapeau bas pour l’auteur qui se lance dans l’écriture d’un livre en français alors qu’il l’a appris à l’âge adulte!
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Oui, et avec un style qui laisse bouche bée par moments !
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A lire par petites touches, alors.
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ça peut être une bonne manière de le lire !
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J’ai déjà noté ce livre, je ne sais plus sur quel blog, Les extraits que tu cites me donnent encore plus envie de lire ce livre !
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J’en ai noté d’autres encore, j’ai aimé ce dosage d’humour et de propos plus graves.
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Je me suis précipitée sur ce roman pour plusieurs raison, d’abord parce qu’on ne parle pas assez des gens qui s’adaptent à l a France avec une autre culture d’origine, j’avais lu des billets très enthousiastes, et puis je connais bien Rennes en particulier le centre où il a été accueilli. Mais j’ai été globalement déçue, il est sur ma pile de livre que je dois relire pour comprendre pourquoi ils ont plu aux autres. La fameuse « PLARPCPIOPAA »
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Oui, cette pile-là, je vois ! Un peu comme ma liste « deuxième chance » pour reprendre avec des auteurs qui ne m’avaient pas convaincus mais plaisent à d’autres. 😉
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J’avais hésité à l’intégrer dans ma sélection pour mars, je suis heureux qu’il ait été ainsi mentionné :-). La première citation sur la langue française est magnifique. Merci pour cette jolie contribution !
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Merci Patrice, j’ai parfois un peu de mal à accrocher avec la littérature des pays de l’est, votre challenge est l’occasion de me pousser hors de mes sentiers battus !
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Merci à toi, et n’oublie pas que le mois de mars n’est pas fini !
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je ne connaissais pas l’auteur mais le thème me plaît donc je rajoute à ma PAL en voie d’explosion 🙂
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En plus, il est en poche, c’est l’occasion d’essayer !
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Rien que pour le titre, je le note
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Le titre est très bien choisi !
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J’avais lu à l’époque son premier roman. Très dur. Il y racontait la guerre qui l’a fait fuir son pays.
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Effectivement, certains de ses autres romans semblent plus durs…
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Oui, c’est un livre qui vaut le détour pour l’unicité de ce témoignage et le parcours étonnant de cet homme qui a finalement réalisé son rêve d’être écrivain. J’ai eu quelques moments d’ennui comme toi ou plutôt d’intérêt amoindri mais c’était plus lié à des épisodes de sa vie qui ne m’intéressaient pas trop.
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D’intérêt amoindri, c’est tout à fait cela… mais cela n’enlève rien à la qualité du livre.
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Tant de choses à lire, je retiendrai le titre sans le noter… si jamais je le vois passer…
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Je ne te sens pas enthousiaste… ^-^
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Merci pour le lien. J’ai personnellement aimé sans réserve (peut-être parce que comme lectriceencampagne, je n’ai lu tant de titres que ça sur l’exil), et j’ai beaucoup ri… la comparaison avec Candide est très juste, l’humour de ce titre est notamment provoqué par le ton faussement ingénu..
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J’ai beaucoup aimé sa manière de raconter… et un témoignage de « première main » et qui plus est, sans le biais de la traduction c’est précieux.
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Un livre intéressant de toute façon même s’il y a des longueurs. Le thème me rappelle Le livre de Chahdortt Djavann, iranienne, son arrivée en France, son admiration pour la langue française et pour Montesquieu en particulier, et la manière dont elle voit les français : Comment peut-on être français ? Intéressant aussi !
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Le roman de Chahdortt Djavann ou celui de Maryam Madjidi, entre autres, ont des points communs avec ce roman… Je les ai lus mais il y a longtemps pour le premier.
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Merci pour le lien. J’avais effectivement beaucoup apprécié les chroniques de cet exil, mais particulièrement pour des raisons inverses des tiennes, parce que j’ai lu tous les romans de cet auteur et que j’en découvrais ici une sorte d’arrière plan, de laboratoire. Ses premiers titres sont très violents, il y a depuis quatre cinq romans maintenant, une forme d’apaisement, de mise à distance qui permet l’humour et l’auto dérision. Je l’avais entendu parler de Bernard Henri Levy lors de la première édition d’Etonnants voyageurs à laquelle Vélibor avait participé ( il n’avait publié que « Mother fucker ») et ce n’était pas du tout sur ce ton là. Il avait de la rage et de la colère chez lui lorsqu’il dénonçait l’imposture des médias européens dans leur couverture de la guerre, et le très grand philosophe, il n’aurait pas gardé son arrogance très longtemps, si il avait été là !
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J’imagine que ses rencontres avec le grand philosophe avaient du lui laisser un goût amer… J’espère le voir et surtout l’écouter à Étonnants Voyageurs cette année !
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J’admire ces personnes qui arrivent à redémarrer de zéro dans un autre pays …. Surtout que les trois mots de français qu’il connaissait au départ ne sont pas si faciles que ça à placer 🙂
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Cette première phrases avec Jean Paul et Sartre donne vraiment envie de continuer le roman, et ça marche !
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Très intéressant ! Pour ma part j’ai lu peu de livres sur l’exil donc il me tente !
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Il est très intéressant, tu verras, et avec humour, ce qui ne gâche rien.
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Il vit à Douarnenez maintenant, et je l’avais rencontré dans la librairie « L’autre rive », à l’occasion de la sortie de « Sarajevo omnibus » qui est toujours dans ma pal… il a beaucoup d’humour.
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J’attends ton avis sur Sarajevo omnibus, alors ! 😉
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Oh, je prends bonne note. L’idée de sentiments dans ue langue en particulier me plaît beaucoup … et me rejoint.
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Il est question aussi de résilience grâce à l’acquisition d’une nouvelle langue.
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Je découvre ton blog (une mine d’or pour les lecteurs !) grâce au mois de la littérature de l’Europe de l’Est et suis ravie de trouver des échos aussi élogieux sur Vélibor Colic que j’admire beaucoup pour sa maîtrise de la langue française. http://lebanquetdesmots.canalblog.com/archives/2016/08/22/34216828.html
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Merci, je vais aller visiter ton blog aussi ! C’est vrai que dans le texte de Velibor Colic, c’est particulièrement son bel emploi de la langue française que j’ai remarqué…
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Je garde un excellent souvenir de cette lecture. Et effectivement, on ne peut qu’admirer une telle maîtrise de notre langue !
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Je pense en garder un bon souvenir aussi… sa voix est suffisamment singulière.
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Si tu veux être secouée par la plume de Colic il te faut lire Archanges : une vraie claque ! Ederlezi est très bien aussi. C’est un auteur que j’adore de toute façon 😉
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Je ne suis pas sûre de vouloir être secouée à ce point, au vu du résumé du livre. Je pense que je préférerais Ederlezi.
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Je voulais te dire que Jérôme l’aimait beaucoup et hop son commentaire aussi ! Il faut que je le lise. Mes amis ont émigré aux USA et ont appris l’anglais en deux mois et mené leurs études supérieures de manière impressionnante. Une amie iranienne avait appris le français en deux mois dans ma
classe de troisième. J’admire leur détermination 😊 il faut que je le lise au passage !
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Cela m’impressionne aussi, de voir qu’on peut apprendre une langue aussi vite, dans ces cas d’exil forcé… Ce thème m’intéresse toujours.
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Pareil !
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Pas encore lu cet auteur et pourtant, son humour devrait me plaire…
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Je ne crois pas que ses autres romans soient dans la même tonalité, d’après les commentaires… mais celui-ci se remarque par son écriture et son humour.
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