Rentrée littéraire 2017 (14)
« Il songe aux carrières de Fontvieille dans le soleil couchant. La montagne ouverte comme un corps blanc. Les arbres sur la crête, et l’impression divine de sortir la construction de la nature elle-même. Il songe à la manière dont l’homme découpe le monde, et ce qu’il en fait. À la petite sauvagerie qu’il y a dans construire. »
Ce dernier billet de l’année sera consacré au roman d’une jeune auteure découverte grâce à une rencontre en librairie, avec elle et son éditrice Sabine Wespieser. Marie Richeux anime l’émission « Par les temps qui courent » sur France Culture, émission qui fait partie de celles que j’écouterais bien régulièrement si les journées étaient un peu plus longues ! Après avoir publié un recueil de ses chroniques et un essai sur Achille, Sabine Wespieser vient donc de faire sortir le premier roman de la jeune auteure. Les voir et les écouter ensemble est une très belle illustration de ce que peut être la connivence entre un auteur et un éditeur, et cela fait vraiment plaisir et donne envie de lire ses livres, bien sûr.
« Les habitants, Fernand Pouillon veut leur offrir des sensations plus que des logements. »
Ce roman tourne autour de l’architecte Fernand Pouillon et de deux ensembles emblématiques qu’il a construits, l’un à Meudon-la-Forêt, l’autre à Alger. Marie Richeux, en voyage en 2009 dans la capitale algérienne, ressent une certaine proximité avec l’immeuble « Climat de France » qui domine la ville, et elle se rend compte qu’elle a grandi dans un ensemble bâti avec les mêmes idées, les mêmes souhaits, la même pierre. Le roman enquête sur l’architecte mais aussi sur Malek, son voisin venu d’Oran, et devenu chauffeur de taxi à Paris. La guerre s’invite aussi dans le roman, jamais trop présente, puisque Malek est arrivé à Paris avant qu’elle ne débute, mais incontournable par les cicatrices qu’elle a laissée.
« On quitte une terre, un jour un avion décolle, un bateau prend la mer, mais la guerre ne se quitte pas exactement. On laisse une maison derrière soi, une lumière, une façon pour le jasmin de transpirer le soir, on laisse des collines, mais laisse-t-on la guerre une seule fois ? Autant qu’une partie de soi demeure en dehors de la guerre pendant que la guerre a lieu, tout près, une partie de soi demeure en guerre, une fois que la guerre est loin. »
Les chapitres alternent les personnages et les époques, et on ne peut que se laisser porter par l’écriture très dense, musicale et sensible. Les années s’empilent comme des étages pour que l’immeuble de Meudon-la-Forêt prenne forme. Rêve d’architecte, construction, achat, emménagement, premiers voisins, enfants qui vont à l’école, voisin qui part travailler, visite d’amis, panorama de la fenêtre, souvenirs de pizzas devant la télé, d’amitiés, de disparitions, de deuils, construisent un appartement autant que la pierre. L’auteure s’est intéressée à la possibilité que l’endroit où l’on habite, notamment dans son enfance ou sa jeunesse, les voisins que l’on fréquentent, façonnent la personnalité autant que la vie familiale ou scolaire. Elle a aussi réfléchi à la mémoire et à ces bribes d’enfance inscrites dans la pierre.
Rarement la conception d’un roman sous forme de puzzle n’a aussi bien convenu au sujet choisi. Pour moi, les petites phrases courtes, parfois sans verbe, me séduisent un peu moins, mais ce texte a de grandes qualités, et plaira sans aucun doute à ceux à qui parlent les thèmes de l’architecture, de l’Algérie ou du « vivre-ensemble », qui prend ici tout son sens.
Climats de France de Marie Richeux, éditions Sabine Wespieser (août 2017), 265 pages
Je ne sais pas si je lirai ce livre, mais j’adore écouter Marie Richeux sur France Culture. Et puis tien, comme je suis là, je te souhaite une très belle année 2018 !
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Merci, je te souhaite également une année riche de découvertes !
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Je l’écoute chaque fois que je peux sur F.C. et je lirai ce roman-là, parce que je m’intéresse à Fernand Pouillon. J’ai « les pierres sauvages » dans ma PAL, mis de côté il y a quelque temps, mais je le reprendrai un jour. Et cet été, j’étais à Belcastel, château qu’il a entièrement restauré et où il a vécu longtemps. C’était une personnalité originale. J’ai envie aussi de découvrir l’écriture de Marie Richeux.
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Oh, mais ce livre est tout à fait pour toi ! Marie Richeux a évoqué Les pierres sauvages au cours de l’entretien. Là, par contre, pas sûre que je le lirai, même si le thème de l’architecture m’intéresse beaucoup.
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Coup de coeur des bibliothécaires, je l’ai donc réservé à ma médiathèque.
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Tes bibliothécaires ont bien fait d’attirer l’attention dessus, on n’en a pas parlé tellement…
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COUP DE COEUR. J’ai pleuré et même en rédigeant ma critique je pleurais encore mais MERCI de me l’avoir fait découvrir.
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Marie Richeux je l’écoute aussi, avec plus ou moins d’intérêt. L’architecte Fernand Pouillon m’intéresse aussi : deux raisons pour retenir ce livre. mais comme toi le style lapidaire sans verbe me gêne souvent.
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Le style aurait pu m’arrêter si le thème avait été autre, mais là, sa musicalité a fini par me plaire…
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Ellen’est pas sur le catalogue de la bib départementale, alors si je le trouve ailleurs, pourquoi pas
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Ah, c’est dommage, surtout si le sujet te plaît.
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Ces thématiques me parlent beaucoup, je note ce tire dont j’ai déjà entendu parler.
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Je suis ravie de te le faire noter ! 😉
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Superbe sujet ! J’adore l’architecture et l’urbanisme, qui sont vraiment passionnants.
Quant à Sabine Wespieser, c’est vrai, c’est une éditrice remarquable par son engagement aux côtés des auteurs.
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J’étais contente de croiser l’éditrice aussi, et de voir de visu la connivence avec son auteure… Il existe des maisons d’éditions comme celle-ci, qu’on aime bien, et ça fait plaisir de constater pour quelle raison exactement on les aime !
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c’est particulier, non? Et pourtant, un petit quelque chose me dit que je pourrais aimer!
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Oui, assez particulier, mais facile à lire.
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Je ne suis pas du tout fan de ce qu’elle fait dans son émission, alors j’hésite, même si j’ai plutôt tendance à faire confiance à son éditrice.
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C’est toi qui vois ! 😉
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Je me laisserais bien tenter. France culture c’est un bonheur par les temps qui courent. Un îlot. J’apprécie beaucoup l’émission « la fabrique de l’histoire » par Emmanuel Laurentin. Passe de belles fêtes. @2018 pour de nouveaux échanges et encore merci pour le partage 🙂
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Merci à toi et passe une très bonne fin d’année !
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