Anne Percin, Les singuliers

singuliers« Dès les premiers jours, j’ai voulu aller peindre comme les autres au port. À marée haute, l’Aven joue les fleuves et les bateaux abondent, les peintres aussi. »
On pourrait se plaindre en lisant le résumé du roman d’Anne Percin, que ce soit encore un roman à tendance biographique, mais outre qu’il est sorti tout de même bien avant la grosse vague d’exo-fictions de cette rentrée littéraire, il faut lui concéder une réelle originalité. Roman épistolaire sur le thème de l’art, Les singuliers mêle personnages réels, comme Paul Gauguin, les frères Van Gogh ou Meyer de Haan, à des vies fictives, celles de Hugo Boch et de son ami Tobias Hendrike. Français, belges ou néerlandais, tous sont artistes, et plusieurs d’entre eux décident de poser palettes et pinceaux du côté de Pont-Aven, où les paysages sont inspirants, et les pensions peu onéreuses.

« Je me sens incapable de prendre un crayon pour dessiner tout cela, je ne suis plus très sûr d’être venu pour apprendre à peindre. Peut-être apprendre à sentir, à voir, à vivre. »
Hugo et Hazel Boch sont cousins, artistes tous les deux et sont ceux dont les lettres se croisent et s’enchaînent, ainsi que celles destinées à Tobias Hendrike, ami d’Hugo. L’art, les salons, les écoles d’Art, les artistes qu’ils fréquentent, sont leurs thèmes de prédilection, mais ils évoquent aussi, et c’est bien normal, leurs histoires de famille, ou la maladie de Tobias, ainsi que l’actualité. Hugo est un personnage particulièrement intéressant et touchant, plein de questionnements, qui va assez rapidement abandonner les pinceaux pour ce nouvel art, considéré jusqu’alors plutôt comme un passe-temps pour oisifs, qu’est la photographie. Il va se faire connaître en Bretagne dans une branche bien spécifique et originale de cet art naissant.

« Je crois qu’au fond, il ne s’agit pas vraiment d’une nouvelle manière de peindre, mais plutôt d’une nouvelle manière d’être peintre. Une manière absolue qui n’engage pas la main, le geste, mais la vie toute entière. »
C’est un plaisir total que de lire ces lettres, d’y traquer les épisodes de la vie des peintres les plus connus, d’y découvrir d’autres qui le sont moins, ou d’imaginer les affres des artistes imaginés, dont les lettres se répondent et s’écrivent sous nos yeux. C’est tout un monde qui apparaît, toute un art nouveau qui se crée, qui se cherche, les débuts de l’art moderne, les balbutiements de la photographie. Les personnages, sans doute grâce à la forme épistolaire, sont extrêmement vivants, et l’auteure réussit à la fois à nous les rendre proches, tout en les ancrant parfaitement bien dans leur époque. Le travail de documentation a du être très important, et pourtant, le résultat est fluide et jamais didactique.
Un grand plaisir de lecture !

Les singuliers, d’Anne Percin, paru en poche chez Actes Sud (Babel, 2016) 405 pages.

50 commentaires sur « Anne Percin, Les singuliers »

  1. Ah oui, je ferai bien de le noter clairement cette fois ! C’est vrai que les romans inspirés de vie d’artistes pour cette rentrée dépassent la mesure. Lais pour celui-ci, je retiens épistolaires et photographie.

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  2. Je ne peux qu’être d’accord avec toi. J’ai adoré ce roman qui se passe à quelques kilomètres de la ville où je suis née.

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  3. Aaah je ne sais pas… Justement, j’ai du mal généralement avec les romans à tendance biographique parce que je rentre difficilement dans le côté romancé, je préfère du coup les documentaires, essais, etc, mais il y a eu une ou deux exceptions, et comme tu es particulièrement enthousiaste sur cet ouvrage, je me dis qu’il pourrait en faire partie. A voir, la thématique peintres me parle beaucoup…

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    1. Habituellement, les romans biographiques ne sont pas trop mon truc non plus, si on excepte Philippe Jaenada, par exemple, mais là, j’ai vraiment beaucoup aimé. La forme épistolaire ajoute beaucoup, c’est très vivant.

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  4. C’est marrant, j’ai visité une expo il y a deux jours et je suis tombée sur ce bouquin dans la boutique du musée. Je me suis dit qu’il pourrait être intéressant mais je l’ai sagement reposé sur l’étagère, j’en ai tellement chez moi en attente d’être lus.

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  5. Vu qu’il se passe tout près de chez moi, et que vraiment j’adore cette partie du Finistère, je tourne autour depuis un moment, d’autant que j’aime l’idée de l’émergence de la photographie, je crains toujours le genre épistolaire, c’est sans doute cela qui m’arrête…

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