Jaume Cabré, Voyage d’hiver

voyagedhiver« Mais le destin est ainsi : il ne raconte pas toute l’histoire, seulement le fragment qui lui convient et, afin de vous induire en erreur, il cache le reste avec un petit rire équivoque. »
J’ai enfin lu un livre de Jaume Cabré ! Mais pas le tant vanté et tant admiré Confiteor, que je crains tellement qu’il m’attend depuis presque deux ans ! Non, j’ai trouvé un recueil de nouvelles du grand auteur catalan sous une couverture qui ne pouvait que me faire de l’œil, et j’ai bien fait de me laisser tenter.
Voyage d’hiver est composé de quatorze nouvelles dont l’auteur a écrit plusieurs versions sur presque vingt ans, versions dont il dit dans la postface qu’il n’était pas vraiment satisfait jusqu’à ce qu’il leur trouve des correspondances, des connivences, des thèmes communs. La version définitive met donc légèrement l’accent sur ces coïncidences, et c’est un vrai plaisir de lecture !

« Promets-moi que… dans vingt-cinq ans -il regarda sa montre-, le 13 décembre à midi… nous nous retrouverons devant le tombeau de Schubert. »

Quatorze nouvelles qui m’ont toutes séduites à leur manière, « L’espoir entre les mains » a presque réussi à me faire pleurer avec son histoire de prisonnier qui attend des lettres de sa fille, le formidable « Deux minutes » rappelle un album pour enfant où tout s’enchaîne et pourtant fait appel à l’intelligence du lecteur avec sa fausse simplicité. Le Voyage d’hiver de Schubert revient à plusieurs reprises dans les nouvelles, ainsi qu’un tableau de Rembrandt, comme autant de clins d’oeil, mais nul besoin d’être un fin connaisseur en art ou en musique pour apprécier.

« Après cette expérience sensationnelle, j’ai parcouru tous les musées d’Oslo à la recherche d’autres non-tableaux. J’en ai trouvé trois ou quatre qui m’ont rendu très heureux. »
Ce sont des nouvelles à chute, ce qui est un peu à l’écart des modes, mais fonctionne bien quand l’écriture est à la hauteur. Drôles, émouvantes ou machiavéliques, ces nouvelles laissent une grande place à la musique, à la littérature et à l’art, et sondent les profondeurs de l’âme humaine en quête du mal ou de la bonté qui s’y cachent. Elles s’enchaînent en changeant de lieux et d’époques, mais sans égarer le lecteur. Bref, j’ai adoré ce recueil, et maintenant, je pense pouvoir profiter des longues soirées d’hiver pour m’attaquer enfin à Confiteor !

Voyage d’hiver de Jaume Cabré, (Viaje de invierno, 2014) éditions Actes sud (février 2017) traduit du catalan par Edmond Raillard, 304 pages.

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36 commentaires sur « Jaume Cabré, Voyage d’hiver »

  1. Je ne suis pas fan de nouvelles donc je passe mais Confiteor m’attend aussi et comme toi il m’attire mais il m’effraie! Je l’avais commencé mais j’ai vite abandonné : le lire dans le train pour le boulot n’est pas la solution rêvée! Je le garde pour mes vacances d’hiver! 🙂

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    1. C’est un pavé et il semble qu’il soit un peu compliqué, oui… les avis ne permettent pas trop de savoir, il semble assez difficile d’en parler… Je n’ai pas de restrictions de cet ordre pour les nouvelles. C’est très bien écrit, un poil érudit, mais je les ai dévorées !

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  2. Je découvre cet auteur grâce à toi. La couverture, le fait que cela soit des nouvelles avec des chutes, tout cela m’attire. Actes Sud j’aime beaucoup cette maison d’édition. Merci pour ce beau partage 🙂 🙂

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  3. Enfin un billet sur un autre titre que Confiteor !! J’avoue que ce dernier m’a tellement emballée que je n’ai pas encore osé lire d’autres romans de Cabré. Des nouvelles, ça peut être un bon compromis…

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  4. Je n’ai pas lu confiteor, tu vois, il y en a d’autres! en fait quelque chose m’a retenue (j’étais page 100 et ne connaissais aucun problème avec la narration, ce n’est pas difficile à lire)

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    1. Bon, tu m’intrigues… mais je crois comprendre que tu l’as emprunté. Cela doit mettre la pression de savoir qu’il faut le rendre. Je l’ai acheté en braderie, j’aurai donc tout mon temps. 😉

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  5. J’ai craint aussi Confiteor mais vraiment, maintenant que je l’ai lu, j’insiste sur le fait qu’il n’y a aucune raison d’en avoir autant peur.;-) Dès les premières pages, tu rentreras dedans, j’en suis convaincue. Je ne suis pas très nouvelles, mais pour Jaume Cabré, je pourrais faire une exception.:-)

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    1. Bon, tu as tout à fait raison d’insister pour Confiteor, je ne sais pas pourquoi j’ai encore quelques craintes ! 😉 Surtout après ces nouvelles qui se lisent sans difficulté.

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  6. J’avais vraiment adoré Confiteor malgré son exigence et sa longueur. Tu vois ce qui me retenait sur ce recueil de nouvelles, c’est que j’avais peur d’être déçue (ma RL cette année a commencé par une déception) et que je n’aime pas les nouvelles (hormis le Mentir Vrai d’Aragon), mais si tu me dis (c’est ce que je crois comprendre dans ton billet), qu’il est parvenu à établir des liens, des passerelles entre elles, je pourrais bien me laisser tenter, tant j’aime son écriture, ses « double-fonds » et sa puissance romanesque. Et je dois dire que ton enthousiasme est vraiment communicatif.

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    1. Je comprends que tu craignes d’être déçue après Confiteor qui semble vraiment au-dessus du commun des livres, mais ce recueil de nouvelles est aussi dans le genre ce qui se fait de mieux, il s’adresse à l’intelligence du lecteur, et ça fait du bien ! (de se croire intelligent 😉 )

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  7. J’ai aimé « Confiteor » et trouve que je devrais lire plus d’auteurs qui ne sont ni français ni anglo-saxons, donc ce recueil m’intéresse (ce n’est pourtant pas un genre que j’affectionne).

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  8. Subjuguée par Confiteor et sa prouesse narrative, j’ai acheté ce recueil cet été pour le découvrir cet hiver… Il me tarde de le lire et ton article enfonce le clou !

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