Nathan Hill, Les fantômes du vieux pays

fantomesduvieuxpaysRentrée littéraire 2017 (1)
Il y aura au moins un billet sur un roman de la rentrée littéraire sur ce blog,
grâce à une proposition de Babelio qui avait tout pour m’intriguer et me plaire : un premier roman de 700 pages qui a beaucoup plu aux lecteurs américains.

 

« Le fantôme avait suivi son père depuis le vieux pays, et maintenant il la hantait à son tour. »

Tout commence par un fait divers où un candidat, réactionnaire et populiste, à la présidentielle américaine, est agressé pendant un meeting par une femme de l’assistance. Le professeur et écrivain Samuel Anderson apprend qu’il s’agit de sa mère, Faye Andresen-Anderson, qu’il n’avait pas revue depuis l’âge de onze ans. L’avocat de sa mère lui propose d’écrire une lettre pour appuyer sa défense, mais l’éditeur de Samuel va avoir une idée quelque peu différente. Ils sont appelés, de toute façon, ce que le fils ne souhaite absolument pas, à se revoir. Les retrouvailles sont forcément lourdes de non-dits entre Samuel et Faye, les sentiments ambivalents de l’enfant abandonné se heurtant au silence de sa mère sur sa vie ponctuée de fuites.
Où le comportement de Faye trouve-t-il son origine ? Dans sa jeunesse auprès d’un père renfermé, dans ses origines scandinaves, dans la façon dont elle a vécu les événements de 68 à Chicago ? Samuel, de gré ou de force, se trouve obligé d’enquêter sur celle qui l’a abandonné.

« Je suis en train de lire un éditorial qui compare ma mère à Al-Quaida.
– Certes, monsieur. Tout à fait répugnant. Toutes ces choses affreuses qui ont été dites. Aux informations. Des horreurs. »

Le style, assez original, est ponctué de dialogues vivants et crédibles, et d’énumérations chamarrées qui en disent plus que d’habiles descriptions. La traduction doit être à la hauteur du texte, car elle ne se fait pas remarquer. Quant à la forme du roman, elle peut sembler brouillonne, mais on sent que l’auteur sait où il va, qu’il se délecte à retarder au maximum certaines révélations pour pousser à tourner les pages. Les retours sur l’enfance et la jeunesse de Faye apportent progressivement des réponses, de même que des épisodes de l’enfance de Samuel, ces derniers étant plus « dispensables » à mon avis. Le point fort de ce roman réside dans les rapports mère-fils, vus par les deux protagonistes, mais d’autres thèmes s’y mêlent.

« Parfois, quand ses pensées s’emballent, il a l’impression de tomber dans un trou, de vivre à côté de sa vie, comme si, à un pas près, il s’était trompé de chemin et se retrouvait à suivre une route saugrenue et triste qui avait fini par être la sienne. »

Il y aurait beaucoup à dire, j’en ai suffisamment dévoilé, mais il y a en quelque sorte plusieurs romans en un seul, et chacun en trouvera au moins un qui lui parle. Pour un premier roman, il est remarquable, et regorge de thématiques et de situations qui s’éloignent du déjà-vu, même pour qui a dévoré pas mal de romans américains. Le personnage de la mère est incontestablement intéressant, celui de Samuel plus habituel dans son rôle de professeur et d’écrivain qui se cherche. D’autres personnages ajoutent des touches d’humour, ou de romantisme, et permettent d’ausculter la société américaine contemporaine. Je ne crierai pas au chef-d’œuvre, il ne faut rien exagérer, mais un bon livre difficile à lâcher ne se croise finalement pas tous les jours, non ?
Ce roman foisonnant plaira aux amateurs de Jonathan Tropper, pour l’ironie douce-amère, Jonathan Franzen, pour la profusion, ou Steve Tesich pour le roman de formation, (j’ouvre une parenthèse pour m’étonner moi-même de le comparer à des romans que je n’ai pas adorés, bien au contraire… et je ne sais pas ce qu’il faut en déduire) mais je ne jetterai pas la pierre (le pavé) à ceux qui préféreront le lire en poche ou sur liseuse !

Les fantômes du vieux pays de Nathan Hill (The Nix, 2016) éditions Gallimard (17 août 2017) traduit par Mathilde Bach, 707 pages

Lu pour une opération Masse critique, cela ajoute un pavé à mes lectures d’été !
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39 commentaires sur « Nathan Hill, Les fantômes du vieux pays »

    1. Tu as raison, je l’ai lu avec intérêt, sans fléchir, ce qui est déjà bien… (depuis quelques jours, j’enchaîne les abandons, pas sur des romans de la rentrée, je n’en ai aucun autre de prévu). Pour en revenir aux Fantômes…, il est attachant, sans être bouleversant !

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  1. Nous sommes jumelles de lecture cet été : après « Le gang des rêves », « les fantômes du vieux pays ». J’ai beaucoup moins de réserve que toi sur ce roman, que j’ai vraiment adoré. Je viens de faire paraître mon billet (je pensais initialement le publier demain) après avoir lu le tien.

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    1. Les romans américains me lassent un peu en ce moment, je me retrouve plus dans le nature writing ou les romans plus feel-good. Mais je reconnais beaucoup de qualités à ce premier roman…

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  2. On verra avec la bibli (j’avais peu aimé mon dernier gallimard/babelio l’année dernière, et depuis me suis écartée de babelio ^_^)(je ne compredns pas le fonctionnement, je veux savoir ce que lit une personne ‘amie’ et ne sais comment faire)(dans l’ordre chronologique, veux je dire)

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    1. Je ne peux pas te dire pour Babelio, je l’utilise surtout pour savoir ce que j’ai dans ma bibliothèque, ce que j’ai lu et à lire… Je ne crois pas qu’on puisse voir les lectures d’une personne dans l’ordre chronologique…

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  3. Je viens de lire le billet d’albertine, très très enthousiaste et curieusement elle évoque des divinités nordiques et des trucs moins emballants a priori : tu confirmes?

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    1. Albertine a été plus diserte que moi, le pavé se résume difficilement ! 😉
      Il est bien question de divinités nordiques, c’est un aspect intéressant, et qui donne son titre au livre, mais pas primordial dans ma lecture… chacun lit à sa manière !

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    1. Tu m’as bien comprise. 😉 C’est vrai que ce qui serait déjà bien pour un auteur chevronné est d’autant plus remarquable pour un primo-romancier.

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  4. Et moi, je vais peut-être attendre le poche ! à moins que je le trouve à la bibliothèque avant. Les thématiques me parlent bien. (de mon côté, j’ai un roman finlandais par Babelio).

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  5. Il me tente bien moi aussi, finalement, malgré tes quelques bémols, j’aime bien le côté plusieurs romans en un seul, mais ce ne sera pas pour cette rentrée çi, je pense … J’ai un autre pavé sous le coude, (enfin deux …), un américain, et un nordique.

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  6. Je suis en retard dans mon reader et le hasard fait que ton billet est le 3e que je lis quasi à la suite sur ce roman… La rentrée à commencé 🙂

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  7. Je le commence demain. Ta parenthèse de fin est très intéressante. Je pense qu’on peut lier deux livres même si on en a aimé l’un beaucoup plus que l’autre.

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  8. Je l’ai eu dans la sélection FNAC pour le prix du roman……j’en ai lu la première partie, puis j’ai calé ! Trop de bla-bla. J’ai l’impression que ce type s’écoute parler…assommant !!!

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    1. Je n’ai pas eu cette impression, j’ai même beaucoup aimé la première partie. Ton avis montre une fois de plus qu’il y a rarement unanimité, et… tant mieux !

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    1. J’ai l’impression qu’il y a eu une grosse opération Gallimard… mais je ne m’en plains pas, puisque j’en ai accepté un dont j’ai eu raison de croire qu’il allait me plaire.

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  9. Un premier roman de 700 pages, ça a quelque chose d’inquiétant je trouve, je craindrais un certain délayage, c’est drôle parce qu’Albertine et toi ne le présentez pas du tout de la même manière. Je te sens totalement circonspecte, moi je suis toujours tentée par les descentes dans les passés indignes ou douloureux. Etant totalement ignare en littérature américaine (mon dernier a été offert par Jérôme), je ne ferai sans doute pas les mêmes liens et rapports que toi, mais je pense que je me laisserais tenter en poche.

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    1. Pas totalement, mais un peu circonspecte, c’est vrai… je crains toujours un peu l’aspect préfabriqué des romans américains issus des cours de creative writing ! Là, on sent que l’auteur n’a pas seulement bien travaillé, il a vraiment beaucoup de choses à dire, et il les dit bien. Sur 700 pages, je n’affirmerai pas qu’il n’y a aucune longueur, mais franchement avec de tels personnages, on ne s’ennuie pas.

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