Virginia Reeves, Un travail comme un autre

untravailcommeunautre« On perd déjà tant de courant en l’acheminant : ce qu’on prendra n’est rien en comparaison. C’est une goutte d’eau dans un lac, ça ne manquera à personne. »
La force du roman de Virginia Reeves tient tout d’abord à la singularité du sujet : Roscoe T. Martin, un homme passionné par la force nouvelle de l’électricité, vient s’installer dans les années 20 dans une région rurale de l’Alabama où les fermes sont encore éclairées au pétrole, et où tout le travail se fait à la main. Pour réduire le travail de son ouvrier agricole et de son épouse, il imagine détourner quelques kilowatts des lignes d’Alabama Power, opération aussi risquée qu’illégale. Ses connaissances en électricité lui permettent de réussir, mais un ouvrier de la compagnie meurt quelques temps plus tard au pied de son transformateur.

Il avait ses propres souvenirs, sa compréhension des événements, puis il y avait le récit hostile et biaisé du procureur, et ensuite la version des journaux, limitée aux minutes les plus sensationnelles.
La suite du roman alterne entre la prison où Roscoe purge une longue peine et le retour sur les événements qui l’y ont mené, sur le procès, sur sa vie de couple compliquée, sur sa relation avec Wilson, l’ouvrier agricole de couleur. Les tensions raciales ne sont pas absentes du roman, mais sont traitées d’un point de vue pas exactement habituel.

Si les trois hommes assis derrière la grande table de chêne m’accordent une remise de peine, j’irai voir l’océan. J’en suis sûr. Je me trouverai un phare comme celui-là et j’en deviendrai le gardien, alors j’allumerai ma lanterne dans l’obscurité pour tenir les navires loin du péril.
Je ne m’attendais pas en ouvrant le roman à voir une grand partie des pages se passer entre les murs d’une prison, mais cet aspect ne m’a pas rebutée. La langue utilisée par l’auteure, et très bien rendue par la traduction, est sobre et précise, avec de belles échappées lyriques, et s’accorde bien avec l’époque qu’elle décrit. Les trois parties, la troisième venant renouer les deux premières qui alternaient, abordent avec précision et empathie à la fois, des aspects de l’affaire qui a bouleversé la vie de Roscoe.
Encore un roman découvert grâce au festival America qui était décidément très riche cette année.

 

Virginia Reeves, Un travail comme un autre (Work like any other) éditions Stock (2016) traduit par Carine Chichereau, 326 pages

Lu aussi par Ariane, Cathulu, Sandrine.
50 états, 50 romans, en Alabama
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22 commentaires sur « Virginia Reeves, Un travail comme un autre »

    1. Cela ne m’étonne pas pour le coup de cœur. J’ai déjà lu pas mal de littérature américaine, et il a quelque chose qui sort de l’ordinaire.

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  1. Il est à mon programme celui-là. J’avais beaucoup aimé la rencontre avec l’auteure (débat animé par Sandrine).

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  2. Je ne sais plus si tu étais à la rencontre sur le roman historique durant le festival avec aussi Thomas Cook. J’ai demandé à Virginia Reeves s’il était possible qu’un Noir et un Blanc soient amis à ce point à cette époque en Alabama. A travers sa réponse on a pu comprendre qu’elle avait idéalisé la situation…

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    1. Je n’étais pas encore arrivée lors de cette rencontre…
      C’est très intéressant, cette idéalisation de la relation, cela m’avait effectivement un peu étonnée, d’autant plus dans un état du Sud. Par contre, les différences de traitement par la justice sont sans doute tout à fait justes.

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  3. il me tente bien ! j’aime bien venir sur ton blog parce que tu dis franchement si un livre t’as plu ou pas, cela nous permets à nous lecteurs de se dire « je le lis » ou pas. Belle journée à toi et merci pour le partage 🙂 🙂

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    1. Merci Frédéric, c’est sympa ! Il y a aussi des livres dont je ne parle pas du tout, soit que je n’ai pas aimé, soit que je n’ai rien de plus à dire que de nombreux autres blogs. Bonne soirée.

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  4. Une auteure américaine qui sort de l’ordinaire ? A retenir, donc. Pourtant, ce qui me gêne, c’est l’idéalisation des rapports entre blancs et noirs. Si l’on écrit sur un période précise, il me semble que l’on doit faire en sorte que tout soit juste, surtout les mentalités.

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    1. Disons tout de même que ces relations un peu idéalisées prennent place entre deux hommes qui se côtoient, dans d’une relation qui évolue lentement… Il ne s’agit pas d’une généralisation.

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