Jean Giono, L’iris de Suse

irisdesuseAux alentours de 1904, un « zèbre » (on ne peut pas l’appeler autrement) quitta Toulon de nuit, sans bruit ni trompette. C’était une sorte de chicocandard, la plupart du temps en rase-pet et chapeau melon.
Voici les premiers mots de ce dernier roman de Jean Giono, publié en 1970, l’année de sa mort. Et ces quelques mots annoncent déjà la couleur du roman, le vocabulaire daté du début du siècle, expliqué tout de suite par la mention de l’année, avec ces mots merveilleux comme « chicocandard » (quelqu’un qui a de l’allure, du chic). Ajoutez à cela des descriptions de la Provence qui vous évoquent tout de suite des tableaux d’une incroyable précision, et une histoire passionnante…


[…] le fin du fin, c’était le
béret, le grand béret, le béret alpin, la tourte, la tourte noire. Il se regarda dans la glace avec ce prodigieux machin sur la tête.
Ce roman tombait parfaitement à point pour moi puisque je commence à assister à un cycle de conférences sur le « vestiaire de la littérature », qui traite plutôt du vêtement du XVIIème au XIXème siècle, mais où les deux intervenants nous ont demandé de repérer des termes d’habillement dans la littérature plus récente. Nous dresserons ainsi une sorte de dictionnaire commun. Bref, ce « rase-pet » (veste courte) pour commencer le roman m’a ravie au plus haut point !
Giono passionné par la mode ? Non ce n’est pas l’explication de toutes ces mentions de vêtements. Elle se trouve plutôt dans l’histoire, celle de Tringlot, individu trempant dans des affaires louches, qui quitte précipitamment Toulon vers les montagnes, et qui doit se fondre dans le paysage en quittant ses habits de citadin pour quelque chose de plus passe-partout. Surtout lorsqu’il décide de suivre un troupeau qui monte dans les alpages.

Il portait crânement un chic galurin mou, un long pardessus à poil de loutre et une canne à bec de corbin, sans oublier sa trousse de cuir qui paraissait fort pesante.
Tout est nouveau pour Tringlot là-haut, et les discussions à bâtons rompus avec le berger le renseignent sur un monde qu’il ignorait totalement jusqu’alors. Il est intrigué par le comportement de l’un des bergers qui rentre un soir tout défiguré, semblant avoir été sérieusement tabassé, et s’intéresse aussi à une certaine baronne qui vit un peu plus bas, et dont les frasques font jaser dans la vallée. Sans compter les deux individus qui sont lancés à sa recherche, et qui ne lâcheront pas si facilement leur proie…

Il était sorti sur le pas de la porte. Le soir avait recouvert toute la montagne jusqu’au sommet. Au fond de la vallée, quelques lumières clignotaient dans la nuit noire.
Je me suis régalée de bout en bout de ce roman, adoré la façon qu’ont certains personnages de parler par métaphores, qui rend le texte un peu hermétique mais ajoute à la poésie, je me suis imaginé avec précision les paysages entre Alpes et Provence, rappelé certains endroits où j’étais passée, j’ai frissonné aux inquiétudes du héros qui ne se sent jamais vraiment en sécurité nulle part, j’ai été absorbée par les intrigues parallèles qui se nouent, j’ai aimé les discussions philosophiques et l’évolution du personnage principal, jusqu’à la fin parfaite !
Concernant le titre, sachez que l’iris de Suse n’est absolument pas une fleur, mais un os, un petit os de la voûte crânienne des oiseaux, os imaginé par l’un des personnages, semblerait-il…
Bref rien ne vaut un classique de derrière les fagots pour vous réconcilier avec la littérature !

Jean Giono, L’iris de Suse (Folio) Première parution : 1970, 297 pages

Repéré chez Dominique ce roman entre dans mon Objectif PAL 2017.
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29 commentaires sur « Jean Giono, L’iris de Suse »

  1. Un roman de Giono que je ne connais pas… Mon dernier rdv avec cet écrivain fut avec Le Grand Troupeau. (Souvenir de mes lectures lors d’une escapade polonaise.) Je relis pas mal de classiques et à chaque fois, cela me fait un bien fou !

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  2. Lu,il y a longtemps. J’ai toujours aimé Giono. J’ai entendu Ron Rash à Lyon l’an dernier qui disait que c’était un auteur dont il a tout lu, un modèle pour lui . Ce qui l’a mis si nécessaire encore plus haut dans mon estime !

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  3. merci pour le lien c’est sympa
    C’est un roman de Giono que j’ai particulièrement aimé et qui est moins connu que certains autres
    Depuis ma lecture j’ai avancé un peu dans ma lecture de l’auteur mais je suis toujours aussi flemmarde pour faire les billets

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    1. C’est toi que je dois remercier pour l’idée ! Je l’ai acheté à la suite de ton billet, j’ai un peu traîné, mais été emballée ! En ce moment, c’est mon mari qui le lit ! 😉

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    1. Un peu surprise aussi au début par deux ou trois mots passés d’usage depuis bien longtemps, je m’y suis habituée, ils ne sont pas si nombreux ! J’ai beaucoup aimé l’histoire.

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