Ryan Gattis, Six jours

sixjoursSix jours, c’est la période où Los Angeles fut embrasée par des émeutes suite à l’acquittement des policiers ayant passé à tabac le jeune Rodney King, en 1992. Le thème principal du roman ne tourne pas autour des émeutes elle-même, pas vraiment non plus autour des pillages et des incendies. Il montre plutôt comment, dans les quartiers, avec l’exemple d’un quartier particulier, les gangs de différentes origines, en ont profité pour régler leurs comptes, en misant sur le fait que la police et les pompiers étaient complètement débordés et occupés ailleurs.
La progression en spirale du roman, le grand nombre de personnages, rien de cela m’empêche de s’immerger profondément dedans et de ressentir la puissance des mots pour dire les événements de ces six jours. Je ne suis pas fan habituellement du langage parlé, mais là, il colle particulièrement bien à chacun des protagonistes, avec des nuances toutefois. Le langage ne varie pas tant selon leur milieu d’origine, qui est sensiblement le même pour tous, que selon leur niveau d’étude, ou leur niveau d’implication dans les gangs, ce critère étant sans doute le plus important.
Du gars bien qui essaye de s’en sortir à l’égérie du gang, de l’infirmière au graffeur, du pompier au petit lycéen sage, c’est le visage de la banlieue de Lynwood qui se dessine. Ce n’est pas le centre des émeutes, au contraire, les incendies sont lointains, mais chefs de gangs et opportunistes mettent cet éloignement à profit, et ces six jours et cinq nuits vont voir une escalade de vengeances, de représailles et d’exactions diverses.
Toutefois, l’escalade n’est pas pour le lecteur, puisque la scène la plus dure, à mon sens, est celle du premier chapitre. L’auteur a fait très fort en commençant de cette manière, rendant toute la suite inéluctable. Il alterne ensuite les points de vue, chaque narrateur étant présenté avec précision en début de chapitre, et malgré le nombre de protagonistes, je n’ai éprouvé aucune difficulté à me repérer ou à rester dans le roman… J’étais trop dedans, même, pétrifiée, incapable d’en sortir !
J’ajoute que l’objet livre est très bien présenté, d’un format et d’une typographie agréables, et cet exemplaire de la bibliothèque étant encore comme neuf, le plaisir de lecture a été complet. Bref, un roman coup-de-poing, dramatique mais irrésistible !

Citations : Mon patron a peur que ce qui se passe là-haut, sur la 110, se propage jusqu’ici. Il dit pas ennuis ni émeutes ni rien. Il dit juste : « Ce truc, là, plus au nord », mais il pense au secteur où les gens déclenchent des incendies, bousillent des devantures de magasins et se font tabasser.

Mes parents m’ont toujours dit que l’école me préparerait à tout, que l’école était la chose la plus importante de ce vaste monde sauf que l’école ne m’a jamais préparé à quelque chose de ce genre. Impossible. J’ai un nœud dans le ventre au moment où M. Park prend un virage sur Western, puis accélère. Pour la seizième fois au moins, mon père me montre où se trouve la sécurité de l’arme que j’ai dans la main, avec une différence majeure : cette fois, il la déverrouille.

Il y a une certaine vérité là-dedans, quelque part, et peut-être s’agit-il de cela : il y a une Amérique cachée à l’intérieur de celle que nous montrons au monde entier, et seul un petit groupe de gens la voit véritablement.

L’auteur : Né dans l’Illinois, Ryan Gattis a grandi dans le Colorado. Il vit actuellement à Los Angeles. Cofondateur de la société d’édition Black Hill Press, il est également intervenant à la Chapman University de Californie du Sud. En 2015, il publie Six jours, qui n’est pas son premier roman, mais le premier traduit en français.
432 pages.
Éditeur :
Fayard (septembre 2015)
Traduction :
Nicolas Richard

Qu’en pensent Brize, Jérôme, Sandrine, Séverine et Sylire ?

Projet 50 états, 50 romans : la Californie.

USA Map Only

38 commentaires sur « Ryan Gattis, Six jours »

  1. C’est un roman très fort en effet, et habile qui ne prend pas parti mais donne à voir la violence. L’histoire du pompier est terrible aussi…
    Et bravo au traducteur !

    J’aime

  2. J’hésite j’hésite… Il est à la bibli.
    Quant aux émeutes de 1992, elles ont donné à Connelly un point de départ pour un de ses polars, et je savais déjà que les crimes avaient bien profité de cette période

    J’aime

    1. Il n’était pas sur ma liste à la bibliothèque, mais quand je l’ai vu, je n’ai pas résisté… Sa présentation et son aspect général m’ont donné envie de l’emporter ! 😉 et je ne l’ai pas regretté !

      J’aime

Et vous, qu'en pensez-vous ?