Maylis de Kerangal, Corniche Kennedy

cornichekennedyComme bien souvent lorsqu’un livre m’éblouit, l’envie de connaître le reste de l’œuvre de l’auteur s’impose à moi, quoi de plus normal ? C’est comme ça que je me retrouve avec un ou deux Jérôme Ferrari, un Maylis de Kerangal, un Zadie Smith, un Russell Banks et bien d’autres qui attendent que je n’aie rien de plus tentant à lire, ce qui n’arrive pratiquement jamais. En effet, il y a bien des raisons pour lesquelles je n’avais pas eu envie de lire ces romans « d’avant » parus quelques années plus tôt que celui qui m’a emballée… Bref, de temps à autres, je m’emploie à en lire un tout de même…
Corniche Kennedy, voilà qui situe tout de suite le roman sous le soleil de la cité phocéenne, le long de la route qui serpente en contrebas de la colline de Notre-Dame de la Garde, en direction de la plage du Prado. C’est là qu’un groupe d’ados se retrouvent, venus à mobylette des quartiers nord ou de banlieues un peu plus résidentielles, pour bronzer, bavarder, se tourner autour, et surtout épater les autres en sautant de rochers de plus en plus élevés. Jusqu’à l’arrivée d’une fille qui, sans le chercher vraiment, perturbe un peu l’équilibre du groupe. Jusqu’au jour aussi où le commissaire Sylvestre Opéra est chargé de mettre fin à ces jeux dangereux.
Tout d’abord mon sentiment a été de frustration à la lecture des premières pages, les phrases, toujours aussi longues, tournant un plus à vide que dans Réparer les vivants. Sans compter quelques formules m’ont hérissé comme « une vie bigger than life » qui m’a donné envie de crier au secours ! Sinon, le style est tout de même éblouissant, hypnotique, étourdissant même : à ne pas lire en haut d’une corniche en cas de vertige. Les personnages ont de l’épaisseur, et la construction, bien faite, donne envie de tourner les pages jusqu’au bout. Bon, ce n’est pas très long à lire, et c’est très bien comme ça. Ce n’est pas le coup de cœur de Réparer les vivants, mais il s’en dégage une séduction qui perdure après la lecture, quelque chose de solide et d’incontournable comme le rocher, de léger et vibrant comme l’air…

Extrait : Nul ne sait comment cette plate-forme ingrate, nue, une paume, est devenue leur carrefour, le point magique d’où ils rassemblent et énoncent le monde, ni comment ils l’ont trouvée, élue entre toutes et s’en sont rendus maîtres ; et nul ne sait pourquoi ils y reviennent chaque jour, y dégringolent, haletants, crasseux et assoiffés, l’exubérance de la jeunesse excédant chacun de leurs gestes, y déboulent comme si chassés de partout, refoulés, blessés, la dernière connerie trophée en travers de la gueule ; mais aussi, ça ne veut pas de nous tout ça déclament-ils en tournant sur eux-mêmes, bras tendu main ouverte de sorte qu’ils désignent la grosse ville qui turbine, la cité maritime qui brasse et prolifère, ça ne veut pas de nous, ils forcent la scène, hâbleurs et rigolards, enfin ils se déshabillent, soudain lents et pudiques, dressent leur camp de base, et alors ils s’arrogent tout l’espace.

L’auteure : Née en 1967, Maylis de Kerangal a été éditrice pour les Éditions du Baron perché et a longtemps travaillé aux Guides Gallimard puis à la jeunesse. Elle est l’auteur de plusieurs romans dont Corniche Kennedy, Naissance d’un pont, Réparer les vivants, ainsi que d’un recueil de nouvelles, Ni fleurs ni couronnes et d’une novella, Tangente vers l’est.
180 pages
Éditeur : Folio (2010)
Paru en 2008 aux éditions Verticales.



Les avis d’Athalie, Clara, Philisine, Sylire

31 commentaires sur « Maylis de Kerangal, Corniche Kennedy »

  1. « Réparer les vivants » m’avait bouleversée mais je ne suis pas sûre de lire ce titre qui semble moins fort. Même si l’écriture semble toujours aussi belle !

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    1. Ah bon ? Pourtant, j’ai eu vraiment un coup de cœur pour Réparer les vivants, et celui-ci, même si le sujet est un peu moins fort, est d’une qualité littéraire certaine. Mais peut-être est-ce l’extrait qui ne te plaît pas.

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  2. C’est le premier de l’auteure que j’ai lu qui ne m’avait d’ailleurs pas emballé du tout. Mais ensuite, j’ai récidivé avec d’autres romans, et là, mon opinion a changé du tout au tout.

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  3. J’ai beaucoup aimé Tangente vers l’est, sans doute parce que je suis une fan du Transsibérien, mais j’avais bien accroché au style de l’auteur. En revanche, les thèmes de ses autres livres ne m’attirent pas…

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  4. J’avais également eu un coup de cœur pour Réparer les vivants, une lecture tellement forte… Avant cette lecture, j’avais essayé de lire Naissance d’un pont et j’avais abandonné au bout de quelques pages, n’accrochant pas du tout. C’est vrai que le style est bien particulier, mais il m’avait captivé dans Réparer les vivants.

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  5. C’est marrant parce que moi, après « réparer les vivants », je savais que rien de lui arriverait à la cheville , et vu que son style est très spécial je préfère m’arrêter là, de peur d’être déçue. Je note néanmoins que tu as de l’affection pour celui-ci malgré tout (sans pour autant me laisser tenter)

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    1. Je pensais bien aussi ne pas être aussi enthousiaste que pour Réparer les vivants, mais j’ai tenté… il me laisse un bon souvenir, ce roman marseillais et je l’ai gardé, d’ailleurs, alors que j’ai fait du tri hier.

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