Italo Calvino, Le vicomte pourfendu

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Je retrouve Italo Calvino que j’avais découvert dans les années 80. Je me souviens encore que des amis m’avaient offert Si par une nuit d’hiver un voyageur, roman étonnant ! J’ai lu ensuite Cosmicomics. Ce n’est que très récemment que j’ai eu envie de lire soit Les villes invisibles, soit l’un des romans de la Trilogie « Nos ancêtres », à savoir Le vicomte pourfendu (1952), Le baron perché (1957) ou Le chevalier inexistant (1959). J’ai donc choisi de faire connaissance avec ce vicomte.

On faisait la guerre aux Turcs. Le vicomte Médard de Terralba, mon oncle, chevauchait à travers les plaines de Bohème. Il se dirigeait vers le camp des chrétiens. Il était suivi d’un écuyer appelé Kurt. De blancs vols de cigognes traversaient, près de terre, l’air opaque et figé.
Ainsi commence l’histoire du vicomte Médard, qui va dès la page 22 se faire couper en deux par un boulet de canon. Son corps, ou ce qu’il en reste, un bras, une jambe, un demi-visage, une moitié d’homme, est soigné et rendu à la vie par des médecins enthousiasmés par un cas aussi rare. Mais lorsque le vicomte revient sur ses terres, en son château, plus que son apparence fragmentaire, c’est sa méchanceté sans fond qui frappe le plus son entourage. Ce qu’il inflige autour de lui est pire que ce qu’il a eu le temps de voir sur le champ de bataille, c’est peu dire.
Il peut arriver dans la vie de se sentir incomplet, notamment à l’adolescence, ou lorsque l’on se retrouve seul après un deuil ou une séparation, le vicomte Médard a, lui, vraiment perdu la moitié de lui-même au combat, et il ne reste que la mauvaise part. Ce qu’il va en faire, il vous faudra lire le livre pour le savoir !
L’histoire, narrée par le neveu tout jeune et innocent de Médard, est un tourbillon de péripéties menées de main de maître par Italo Calvino. La méchanceté immense incarnée par le vicomte, l’imagination et l’humour sans bornes de l’auteur, les nombreuses références à l’univers du conte, les surprises que révèle la fin du texte, tout m’a plu dans ce court roman, que je recommande à qui veut découvrir l’auteur italien.


Extrait : Si tout ce qui est entier pouvait ainsi être pourfendu ! dit mon oncle, couché à plat ventre sur le rocher et caressant les spasmodiques moitiés de poulpes. Si chacun pouvait sortir de son obtuse, de son ignare intégrité ! J’étais entier, et toutes les choses étaient pour moi, naturelles et confuses, stupides comme l’air ; je croyais tout voir, et je ne voyais que l’écorce.

L’auteur : Italo Calvino est né en 1923 à Cuba, il a passé son enfance et son adolescence en Italie, dans une famille antifasciste et laïque. Il combat au sein des brigades Garibaldi, ce qui le marquera durablement. Il commence à écrire dans une veine réaliste, puis s’oriente vers la littérature populaire et le conte. Il a écrit aussi pour le cinéma et la jeunesse. Il est mort en 1985.
138 pages
Éditeur : Folio (2012) Paru en 1952.
Traduction : Juliette Bertrand, revue par Mario Fusco
Titre original : Il visconte dimezzato

La lecture d’Hélène.
moisitalien
C’est le mois italien chez Eimelle ! Si vous souhaitez d’autres idées de lectures qui fleurent bon l’Italie, rendez-vous sur son blog ou sur la page Facebook dédiée. Vous pouvez aussi relire le billet de conseils de lecture « L’italie si j’y suis » où chacun y était allé de ses suggestions ! 

37 commentaires sur « Italo Calvino, Le vicomte pourfendu »

  1. Pareil, dans les années 80 j’en ai lu plusieurs. Aujourd’hui je parle de ce fameux si une nuit d’hiver un voyageur, une relecture en fait, mais encore mieux que dans mon souvenir.
    Je n’ai pas lu ce Vicomte, en fait.

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    1. Même chose pour Le baron perché, c’est pour cela que j’ai choisi Le vicomte pourfendu, dont il y a peu de chance qu’il traîne dans des manuels de français… quoique certaines scènes « gores » feraient sans doute un tabac auprès des élèves ! 😉 Comme c’est sur le mode du conte, ça passe.

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  2. C’est une excellente trilogie et celui des trois que je préfère est « Le baron perché ». Calvino a une oeuvre très variée. Je suis en train de relire « Marcovaldo », un recueil de nouvelles qui fait la part belle à la nature.

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  3. La trilogie des ancêtres est ce que j’ai préféré de l’oeuvre de cet auteur. La forme du conte fait passer l’aspect plus philosophique et parfois un peu abscons de certaines de ses autres oeuvres ( sauf pour « Si par un nuit d’hiver …  » qui est un régal pour les lecteurs, puisque on parle d’eux avec goût, comme le souligne Keisha dans son billet sur ce titre). Bon mois italien est tout cas !

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  4. Ah, Calvino, même parcours que toi ( avec notamment l’inoubliable  » Si par une nuit d’hiver…  » ) et (re)lecture prévue aussi pour ce mois italien, c’est réjouissant 🙂

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  5. J’avais beaucoup aimé « le baron perché » mais j’en suis restée là. Et ma lecture date. Il faudrait que je reprenne la trilogie mais le temps manque. Peut-être un jour, si ça sort en audio.

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  6. Pour ce mois italien, je suis en plein Mr Gwyn (grâce à toi en partie d’ailleurs), il est très possible que j’enchaîne avec celui-là qui me tente énormément et qui me permettrait de me réconcilier avec un auteur que je n’avais pas du tout apprécié dans le seul livre que j’ai lu de lui (et qui semble n’avoir strictement rien à voir avec le reste de son oeuvre).

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    1. J’espère que tu te régales avec Mr Gwyn. Je viens d’écrire mon billet pour Trois fois dès l’aube, petit roman qui est cité dans Mr Gwyn, justement. Quant à Calvino, il semble avoir bon nombre de genres à son actif, et peut-être devrais-tu en essayer un autre… enfin, j’imagine que tu ne manques pas d’idées de lecture, mais plus de temps pour les mettre en œuvre.

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  7. Pas (encore) lu Le vicomte pourfendu, mais ce billet m’y refait penser (ainsi qu’au Chevalier inexistant)!
    J’avais relu il y a quelques années Le baron perché (découvert dans ma jeunesse), lorsque je l’ai vu apparaître dans le « système de prêt de livres » de l’AMAP dont je fais partie.
    (s) ta d loi du cine, « squatter » chez dasola

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