Andrew Miller, Dernier requiem pour les Innocents

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« Nous sommes les hommes qui allons purifier Paris. »
Versailles, 1785. Le jeune ingénieur Jean-Baptiste Baratte attend dans l’antichambre d’un ministre la mission qui va lui être confiée. Il rêvait de construire des ponts et des routes, voilà qu’il va devoir débarrasser paris d’un cimetière bondé, celui des Innocents, qui menace la santé des riverains. Il va devoir faire enlever les ossements, les faire transporter ailleurs, démolir l’église, sans froisser la population qui, par superstition, craint que l’on y touche.
Si l’air autour du vieux cimetière est brumeux, corrompu et fétide, l’air du temps, lui, est plus éclairé. Jean-Baptiste a étudié, connaît Voltaire et Rousseau, se plaît à imaginer des utopies, regrette de ne pas avoir, dans la maison où il est hébergé, de compagnon pour discuter de sujets intellectuels et progressistes.
L’auteur a fait merveille pour recréer l’atmosphère des rues de Paris, des Halles toutes proches, de la vieille église et du chantier tout autant que celle du village normand de Jean-Baptiste lorsqu’il y retourne pour Noël. Ses personnages, bien que nombreux, prennent chair et semblent singulièrement présents, et bien ancrés dans leur époque, ne s’exprimant, pour les moins lettrés d’entre eux, que par phrases courtes et signifiantes… pas d’ouvrier, de tailleur ou de maçon qui se lance dans de grands discours pour donner son point de vue, ce qui immanquablement fausserait l’impression de véracité. Leurs actes parlent pour eux, et c’est très bien comme ça. C’est un des aspects, avec un présent de l’indicatif qui coule naturellement, qui rend très vivante cette histoire. Dans ce roman, il n’y a pas de longueurs même si le rythme est assez lent, la lenteur des ouvriers qui creusent des fosses, tout autant que la lenteur de Jean-Baptiste à comprendre où le mène son ambition. Malgré cela, l’action ne manque pas, le travail du jeune ingénieur n’est pas sans retentissement, et les péripéties tiennent le lecteur en haleine. Vous le comprendrez, j’ai beaucoup aimé ce roman repéré à la rentrée dernière, et que je viens seulement de dénicher à la bibliothèque.

Extrait : Dans l’église des Innocents, la lumière d’une matinée parisienne tombe comme des cordes fines et grises depuis les hautes fenêtres, mais cela ne trouble guère les ténèbres permanentes du bâtiment. Les piliers, noirs ou presque, s’élèvent comme les restes d’une forêt pétrifiée, leur sommet perdu dans des voilures d’ombre. Dans les chapelles latérales, où aucune chandelle n’a été allumée en cinq ans, l’obscurité s’est assemblée par traînées.

L’auteur : Andrew Miller est né à Bristol en 1960, il a vécu en Espagne, au Japon, en Irlande et en France. Il est l’auteur de nombreux romans, dont plusieurs traduits en français, notamment son premier roman, L’homme sans douleur qui a rencontré un succès international, et plus récemment Oxygène.
298 pages
Éditeur : Piranha (août 2014)
Traduction : David Tuaillon
Titre original : Pure

L’avis d’Yv.

Les anciens sont de sortie chez Stephie.
ancienssortis

23 commentaires sur « Andrew Miller, Dernier requiem pour les Innocents »

    1. Je n’ai pas éprouvé le moindre ennui. Mais j’aime beaucoup les romans historiques qui se passent à Paris… depuis que j’ai lu Victor Hugo et Eugène Sue !

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