Olivier Rolin, Le météorologue

meteorologueL’auteur : Né en 1947, Olivier Rolin a passé son enfance au Sénégal. Il est diplômé de l’ENS. Il a été journaliste, puis éditeur. Son œuvre est constituée d’une vingtaine de romans, dont les très remarqués L’Invention du monde (1993), Port-Soudan (1994, prix Femina) et Tigre en papier (2002, prix France Culture). Il a également écrit des récits de voyage et des reportages, notamment en Amérique du Sud, et en Europe de l’est.
224 pages
Éditions du Seuil (septembre 2014)

Aujourd’hui, je tente un petit retour vers les billets de lecture, ou quelque chose qui va du moins essayer de ressembler à un avis sur ce livre. Je dois avoir du mal avec la chaleur, j’ai l’impression de ne pas réussir à aligner deux mots, et j’ai bien peur que ça n’aille pas en s’arrangeant !
Retour aussi avec Olivier Rolin que je ne connais que par Bakou, derniers jours. Retour encore en Russie où l’auteur a beaucoup voyagé, mais dans des régions beaucoup plus septentrionales que l’Azerbaïdjan, à savoir les îles Solovki, des îles en plein océan glacial arctique, en gros au nord-est de la Finlande. C’est là que le météorologue Alexeï Vangengheim fut confiné, sur ordre de Staline, pendant de longues années, avant de disparaître. Sort qu’il a malheureusement partagé avec des millions d’autres, du prêtre à l’étudiant, du paysan au médecin. Pourquoi Olivier Rolin a-t-il choisi de parler de ce scientifique plutôt que d’un autre disparu ? Cet homme n’a rien de grandiose, d’extraordinaire, son destin n’a rien de particulièrement original, si ce n’est son métier d’observateur de nuages, mais aussi de chercheur pour les débuts de la conquête spatiale. Olivier Rolin est tombé sur des séries de dessins que Vangengheim avait fait en captivité pour sa fille, qui lui ont donné envie de mieux le connaître. Ils sont d’ailleurs reproduits en fin de livre, c’est là une très bonne idée.
L’auteur revient sur la jeunesse, la famille, les études, le travail d’Alexeï, puis sur les événements qui conduisent à son arrestation, une dénonciation d’un collègue envieux, probablement. « C’est un innocent moyen » dit-il, mais la machine stalinienne est telle qu’il ne proteste pas de manière trop forte contre son arrestation arbitraire, de crainte de représailles contre sa femme et sa fille. Il restera toujours soviétique dans l’âme et persuadé que l’erreur va être réparé, et qu’il sera libéré.
J’ai, comme dans le premier récit d’Olivier Rolin que j’ai lu, apprécié le style assez détaché et tranquille, les petites notations personnelles, le vocabulaire recherché, l’usage immodéré des parenthèses, le tout lié à une recherche documentaire solide. C’est franchement passionnant, et comme bien souvent, un destin individuel permet d’en comprendre autant, sinon plus, qu’un essai qui reviendrait de manière exhaustive sur cette période noire de la Russie. Cela complète aussi d’autres de mes lectures, je pense notamment à L’homme qui aimait les chiens, roman de Leonardo Padura à propos de l’assassinat de Trotsky sur ordre de Staline.

Extrait : Une chapelle de bois assez cabossée au bout d’une petite langue rocheuse. En-dessous, une estacade écroulée. Plus loin, les restes d’un môle rustique plongent sous l’eau, gabions de tronc d’arbres emplis de pierre. Le chemin côtier emprunte le tracé de la bretelle ferroviaire qui menait de la gare jusqu’à l’entrée du camp. On voit encore, enfoncées dans le sol sableux, des traverses, et sur les côtés les pierres du ballast. (Émotion de voir se matérialiser des choses qui viennent de la double immatérialité du passé et des lectures : ce qui est advenu il y a très longtemps, que je ne connais que par des livres, en voici la trace concrète, ici et maintenant.) A la descente des wagons, on était accueilli à coups de poing et de crosse, d’après les souvenirs de l’écrivain Oleg Volkov.

Repéré chez Dominique et Papillon. Sandrine et Alex l’ont lu récemment aussi.
Participation de juin au projet non-fiction de Marilyne (in extremis !)

22 commentaires sur « Olivier Rolin, Le météorologue »

  1. Repéré chez Dominique également (avec le reportage qui est passionnant aussi …), l’histoire de cet homme est celle d’un homme « moyen », mais l’écriture de Rolin, par ce détachement que tu signales, en fait une histoire quasi « exemplaire ». Un très bon souvenir de lecture qui me fera aller sûrement vers d’autres titres du même auteur. Je note aussi le Padura, du coup.

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  2. Je ne sais si tu as vu le reportage cet été sur Arte, ni s’il est toujours visible quelque part sur le net, mais il est intéressant, complémentaire de cette biographie romancée : il raconte comment il est parti à la recherche des livres qui composait la bibliothèque du camp.

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  3. Bon ben, je ne le répéterai jamais assez : je suis in-con-di-tion-nelle de cet écrivain. J’ai apprécié et savouré ce livre à l’écriture riche et dense comme je l’ai fait de quasiment tous les autres qu’Olivier Rolin a écrits.

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    1. En ce qui me concerne, tu peux le dire et le redire, cela me fait plaisir car il fait partie des rares auteurs français que j’apprécie beaucoup… la découverte étant récente, il m’en reste plein à lire !

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  4. Un livre qui va rejoindre ma Pal rapidement puisque ce sera un prochain achat lorsque j’irais rendre visite à mon libraire adoré ! Belle chroniques en tout cas.

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