L’auteure : Taiye Selasi est née à Londres et a passé son enfance dans le Massachusetts. Elle est titulaire d’une licence de littérature américaine de Yale et d’un DEA de relations internationales d’Oxford. Le Ravissement des innocents, son premier roman, sera traduit en près de 20 langues. Taiye Selasi a vécu à Paris, à Rome et vit désormais à Berlin.
368 pages
Editeur : Gallimard (septembre 2014)
Traduction : Sylvie Schneiter
Titre orignal : Ghana must go
« Kweku meurt pieds nus un dimanche matin avant le lever du jour, ses pantoufles tels des chiens devant la porte de la chambre. »
Une première phrase intrigante inaugure le roman de cette jeune auteure anglaise d’origine ghanéenne et nigériane. Kweku est père de quatre enfants, tous nés aux Etat-Unis. Il est venu du Ghana, a rencontré Folà, devenue son épouse, mais on apprend qu’il l’a quittée de façon brusque, et vit désormais au Ghana, où il meurt donc, comme l’annonce l’incipit.
Ce roman possède un rythme propre, une chronologie qui est aussi une géographie, alternant vie aux Etats-Unis, départ, retour au Ghana. L’auteure dit l’avoir sciemment écrit en trois mouvements comme une symphonie : la première partie est semblable à un morceau de jazz, il est normal qu’on s’y perde un peu entre tous les personnages et les débris de leurs vies, ainsi que des drames qu’on ne fait que deviner. La seconde est un adagio, un cercle parfait, la troisième un allegro où tous les personnages jouent ensemble leur partition.
Cette lecture a quelque chose de fascinant, un rythme hypnotique, autour du thème principal, les liens qui unissent les membres d’une même famille. J’ai appris le rôle très particulier des jumeaux dans la culture Yoruba (le premier « sorti » est le plus expansif, social, le deuxième le plus intelligent). Ainsi en va-t-il des jumeaux Taiwo et Kehinde, encadrés par l’aîné Olu et la petite Sadie. La famille Sai, des paroles même de Taiye Selasi, que j’ai écoutée avec grand intérêt lors d’une conférence aux Assises Internationales du Roman, compose une sorte de patchwork, ses membres, malgré leurs tourments individuels, retrouvent une certaine unité lorsqu’un événement grave survient.
Chacun de ces afropolitains, (dérivé de cosmopolitain : être de partout et de nulle part), de la première génération ou de la seconde, souffre de sa famille, ne supporte tout simplement plus le mot famille, et réagit différemment au manque, à la solitude, aux regrets et aux rancunes accumulées. Mais heureusement, chacun a son propre refuge dans l’art, la peinture, la musique ou la danse…
Les situations vécues touchent à l’universel, et j’ai eu un mélange de plaisir et d’émotion à accompagner chaque personnage. Ce roman pourtant n’est pas des plus faciles, ne se laisse pas faire, met du temps à faire son chemin. Le style y contribue en introduisant une sorte de dimension supplémentaire, de regard extérieur de chaque membre de la famille sur lui-même.
La discussion avec l’auteure autour de son roman, menée par des lycéens qui avaient choisi des mots-clefs renvoyant au livre, a été passionnante, d’autant plus que je venais tout juste de finir ma lecture. Mais je vous laisse apprécier les extraits de ce « presque coup de coeur » !
Kweku meurt pieds nus un dimanche matin avant le lever du jour, ses pantoufles tels des chiens devant la porte de la chambre. Alors qu’il se tient sur le seuil entre la véranda fermée et le jardin, il envisage de retourner les chercher. Non. Ama, sa seconde épouse, dort dans cette chambre, les lèvres entrouvertes, le front un peu plissé, sa joue chaude en quête d’un coin frais sur l’oreiller, il ne veut pas la réveiller. Quand bien même il le tenterait, il n’y parviendrait pas.
La jeune Ama, loyale, simple, souple, débarquée de Krobotité empestant encore le sel (et l’huile de palme, la lotion capillaire, le parfum « Carnation » évaporé) pour dormir à son côté dans la banlieue d’Accra. Ama, dont la sueur et les ronflements pendant son sommeil abolissent les milles de l’Atlantique, les fuseaux horaires et l’infini du ciel, dont le corps est un pont entre deux mondes sur lequel il marche.
Le pont qu’il cherche depuis trente et un ans.
Se rappeler son enfance ne le rendait pas malheureux ; c’était rare, même à quarante-neuf ans, après son retour au pays. Il la cernait de plus en plus, s’approchait du centre, du point de départ, des lieux — Jamestown à une heure de chez lui. Mais il n’en avait pas conscience. Dans son esprit, il continuait à avancer, à aller plus loin, sa vie entière pareille à une ligne droite s’étirant depuis le début.
Les avis de Clara, Jules, Papillon…
Même si ce roman vous emmène des États-Unis au Ghana, il participe au mois anglais organisé par Titine, Cryssilda et Lou puisque Taiye Selasi est né à Londres.
Très joli billet, qui rend parfaitement l’atmosphère de ce roman que j’avais beaucoup aimé.
(Et il y a de la pub chez toi maintenant! )
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Merci Papillon ! pour la pub, ça fait longtemps que WP me signale l’endroit où mes lecteurs peuvent « parfois » en voir… mais je ne la vois pas moi-même.
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J’avais été assez tentée à sa sortie… Mais je n’ai pas encore trouvé l’occasion !
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Il mérite le détour, il sort de l’ordinaire.
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Je l’ai juste commencé, mais pas trop insisté… (de toute façon je peux le réemprunter à la bibli).
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Il faut un peu insister… comme je savais que j’allais voir l’auteure, j’ai persévéré et j’ai eu raison.
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Je l’avais noté à sa sortie, puis perdu de vue. Je re-note.
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Il mérite de ne pas disparaître dans les limbes !
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J’avais lu une très bonne critique presse puis de moins bons avis de lecteurs. J’ai donc abandonné m’idée de le lire. Ta chronique remet ce titre au goût du jour. Je sais qu’il est en bibliothèque, je peux donc le lire dès que je trouve un petit moment.
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Comme quoi les critiques de la presse ont parfois raison… 😉 Si tu en as l’occasion, tente cette lecture !
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J’en garde un son souvenir !
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Cette jeune auteure est à suivre, je pense !
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Oui, il a l’air d’avoir une profondeur et un souffle qui vaut la peine…
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Oui, tout à fait !
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Il est noté depuis des mois mais je n’ai pas encore eu l’occasion de le lire. Il vient d’arriver à la bibliothèque alors je vais peut-être enfin le lire.
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Pour une fois, je l’avais réservé à la bibliothèque, et j’ai bien fait !
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Presque un coup de cœur, ça se note (mais surtout pour tous les arguments que tu avances dans ton billet et qui me parlent).
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Comme je ne distribue pas mes coups de coeur facilement, tu peux noter ! 😉
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Je ne participe pas au mois anglais mais je prends plein de notes en lisant vos billets.
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C’est une rafale, une foule d’idées que ce mois anglais !
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Je vais suivre ça de près, crois-moi.
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Dommage pour le presque du coup de coeur !
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Ah mais, dans mon esprit, c’est un compliment, je n’ai pas facilement de coup de coeur !
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Non, non, non, je ne veux pas en lire du mal (je lis juste la fin de ton billet « presque coup de coeur » ouf ) ….. Il est sur le dessus de ma pile ramenée du festival de Saint Malo. Toutes mes copines accompagnatrices l’avaient lu et trouvé génial ….
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Aucun risque que j’en dise du mal, j’ai vraiment beaucoup aimé, et plus encore rétrospectivement ! J’attendrai ton avis avec intérêt.
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Mince alors, je l’avais commencé et laissé de côté…. Je vais essayer de le reprendre!!
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Je ne regrette pas d’avoir persévéré ! Mais parfois, ça ne veut pas… 😉
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