Kazuo Ishiguro, Le géant enfoui

geantenfouiL’auteur : Kazuo Ishiguro est un écrivain et romancier britannique d’origine japonaise. Il est né à Nagasaki en 1954 et vit en Angleterre depuis 1960. Ishiguro a suivi des études de littérature dans les universités du Kent et d’East Anglia. Il est l’auteur entre autre de : Lumière pâle sur les collines, Un artiste du monde flottant, Les Vestiges du jour (Booker Prize, 1989), L’Inconsolé, Quand nous étions orphelins, Auprès de moi toujours. Ses livres sont traduits en plus de trente langues.
416 pages
Éditions des Deux Terres (mars 2015)
Traduction : Anne Rabinovitch
Titre original : The buried giant

Sans la caution du nom de l’auteur sur la couverture, je n’aurais sans doute jamais emprunté ce roman. Mais Kazuo Ishiguro n’est pas un inconnu même si c’est un auteur plutôt rare. Son dernier roman date de 2005, c’est le très beau Auprès de moi toujours, qui brasse beaucoup de thèmes sur fond de roman d’anticipation. C’est la richesse psychologique qui m’a le plus frappée dans ce roman. J’ai lu aussi Quand nous étions orphelins, et même si cette lecture date, je me souviens encore de l’évocation très visuelle de Shanghai au début du vingtième siècle.
Dans Le géant enfoui, l’auteur remonte cette fois aux tout débuts du Moyen-Âge. Un couple de villageois âgés, Axl et Beatrice, décident de partir enfin revoir leur fils qui les a quittés depuis longtemps pour un autre village. Ils ont toutefois du mal à mettre ce projet en œuvre, tant leurs souvenirs semblent s’effacer. C’est le cas de tous les habitants de cette région habitée par des communautés de Bretons et de Saxons. Leur voyage va leur permettre aussi de comprendre pourquoi leur mémoire, et surtout la mémoire collective s’efface ainsi. Leur périple est semé de péripéties et de rencontres, amicales ou hostiles.
Le lecteur peut être un peu surpris de ce Haut-Moyen-Âge à la fois réaliste et fantaisiste : les personnages merveilleux, géants, dragons, fées, trolls, auxquels croient les paysans, apparaissent vraiment au cours du récit. Mais le plus intéressant porte sur le thème de la mémoire, et aussi la crainte de l’étranger, la récurrence des conflits religieux. Les dialogues sont nombreux, Axl et Beatrice passent au cours de leur voyage beaucoup de temps à discuter ensemble ou à interroger leurs compagnons de voyage, et cela aussi peut déstabiliser un peu. La quantité de dialogues peut apparaître importante, mais dans la mesure où le roman y gagne en profondeur, devenant un miroir de notre époque et de ses conflits, ces dialogues sont bien loin d’être inutiles.
J’ai beaucoup aimé la façon dont l’auteur a imaginé la langue de l’époque et aussi la traduction qui donne un ton particulier au langage, simple, mais absolument pas folklorique, ou de pacotille !
Au final, je me suis attachée aux personnages, qui ont une vraie présence, une profondeur psychologique certaine, et j’ai suivi leur quête avec inquiétude, m’habituant au contexte historico-poétique original. C’est un moment à part, une échappée dans un passé méconnu et réinventé, un conte qui envoûte et fait réfléchir à notre propre monde…

Extrait : Le pauvre Horace a sauté son petit déjeuner ce matin, car nous étions sur un sol rocheux quand nous avons ouvert les yeux. Ensuite j’étais si désireux de poursuivre mon chemin toute la matinée, et je le reconnais, de fort méchante humeur. Je ne l’ai pas laissé s’arrêter. Ses pas ont ralenti mais je connais très bien ses ruses à présent, et je n’ai pas cédé. Je sais que tu n’es pas fatigué, ai-je dit, et je l’ai un peu piqué des éperons. Les ruses qu’il emploie avec moi, mes amis, je ne les supporte pas ! Mais il va de plus en plus lentement, et comme je suis un idiot au cœur tendre, même si je sais qu’il se rit de moi, je cède et je dis, parfait, Horace, arrête-toi et mange. Et me voici donc, pris pour un benêt une fois de plus. Venez vous joindre à moi, mes amis.

Deux avis seulement sur Babelio.

44 commentaires sur « Kazuo Ishiguro, Le géant enfoui »

      1. Je me joins à la voix tentatrice de Keisha : il FAUT que tu lises « Les vestiges du jour » (et accessoirement, ensuite, l’admirable adaptation ciné qu’en a fait James Ivory avec le duo Emma Thompson/ Anthony Hopkins)

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    1. ça me semble très réducteur de le ranger en fantasy pour ado. Je ne connais rien à ce genre, je l’avoue, mais il me semble que ce roman est bien mieux écrit et plus profond. Des ados l’abandonneraient au bout de trente pages en n’y trouvant pas assez de péripéties, et des personnages principaux qui leur évoquent Papy et Mamie (en plus lents) !

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  1. J’avais beaucoup aimé Auprès de moi toujours, et je me souviens également de ma lecture plus lointaine, Quand nous étions orphelins. Je vais tenter son dernier roman, car l’auteur a une sensibilité qui me touche. Et puis ton billet m’a convaincue 🙂

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  2. En lisant ton billet, je me suis souvenue que j’avais Quand nous étions orphelins sur une étagère. Et à la lecture des commentaires, je note que je dois lire Les vestiges du jour.

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    1. La couverture m’a attirée tout d’abord, puis le sujet m’a fait dire : pourquoi pas ? Comme c’était un emprunt, je pouvait me permettre de tenter !

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  3. encore une conquise par ta critique! Allez, je le mets dans ma PAL, mais aussi parce que j’avais adoré Auprès de moi Toujours, que m’avait conseillé une amie.

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  4. Je n’ai lu que « les vestiges du jour » après avoir vu le film. Il faudrait que j’en lise d’autres. J’aime beaucoup la couverture de celui-ci.

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  5. J’aime ce qu’écrit Ishiguro, à chaque fois il me surprend. Il me reste L’Inconsolé à lire (dans ma PAL) et celui-ci . Ton billet est très tentateur !

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  6. J’avais énormément aimé « auprès de moi toujours » et la couverture est magnifique… je crois que je me laisserai tenter si ce livre croise mon chemin !!

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  7. J’hésite un peu. J’aime beaucoup « Auprès de moi toujours » mais la quatrième de couv’ et les quelques avis que j’ai lu laissent présager un texte étrange … que confirme ton billet. Malgré tout, comment ne pas être intriguée ? Bref ! s’il me passe sous la main à la bibliothèque, je ne dirais pas non !

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