Justin St. Germain, Son of a gun

sonofagunRentrée littéraire 2014
L’auteur : Né à Philadelphie en 1981, Justin St. Germain vit aujourd’hui à Albuquerque et enseigne à l’Université du Nouveau-Mexique. L’auteur était invité du Festival America 2014, notamment sur le thème de « La violence aux États-Unis »
313 pages
Editeur : Presses de la Cité (août 2014)
Traduction : Santiago Artozqui

Septembre 2011, alors que tout le monde a encore la tête pleine des images des attentats, Justin St. Germain, alors étudiant, apprend de la bouche de son frère que sa mère vient d’être retrouvée morte dans son mobile-home, tuée de plusieurs coups d’une arme à feu. Le principal suspect, son compagnon du moment, Ray, a disparu.
Dix ans plus tard, Justin St.Germain entreprend d’écrire, de faire le récit détaillé de cet assassinat, de son point de vue à lui, et avec ce qu’il sait du drame. Il mène aussi l’enquête, revient dans la ville d’Arizona où il a vécu, retrouve des personnes que sa mère a côtoyées. Rien n’est facile, et l’émotion prend souvent le dessus, et le fait se demander s’il doit continuer. Il prend conscience que sa mère, son frère et lui appartenaient à la « white trash », les petits blancs pauvres, vivant de petits boulots, acceptant en location les appartements les plus minables. Pourtant sa mère, lui semble-t-il, essayait de son mieux d’élever sans père ses deux enfants, tout en n’ayant que peu de stabilité à leur offrir : déménagements, cohabitations, semi-pauvreté… C’est un portrait de cette classe pauvre des petites villes que dresse l’auteur, avec justesse et sans rien cacher. Il s’intéresse aussi, par la force des choses, aux thèmes de la violence domestique (même si ce terme paraît édulcorer ladite violence) et de la culture des armes à feu aux Etats-Unis, et c’est très intéressant. Sa mère a été assassinée à Tombstone, ville où se situe le fameux O.K. Corral, et quelques paragraphes reviennent parallèlement sur les lieux et les circonstances de cette fusillade historique.
De ce récit je retiens surtout le portrait de la mère, qui sonne tout à fait juste, plus que le fait qu’elle ait été assassinée, et l’écriture de ce jeune auteur qui est vraiment prometteuse. Le sujet aurait pu donner lieu à un texte soit trop larmoyant, soit trop documentaire, soit trop nombriliste, à mon avis, tout cela est évité, l’équilibre est gardé, et la lecture en est captivante. Maintenant qu’il a écrit sur sa propre histoire, projet utile de faire à la fois pour lui-même et pour ses lecteurs, j’ose parier qu’il pourra se remettre de nouveau derrière son clavier, et devenir un nom qui compte dans la littérature américaine.

Citations : Alors, j’ai fait ce que tout étudiant en lettres aurait fait : j’ai cité quelqu’un d’autre.
« Ma mère est morte. La Bête a surgi. »
Ça a marché. Au cours des semaines suivantes, j’écrivais tous les soirs, et à chaque fois, les mots me venaient facilement. Je parcours ces pages de temps à autre, quand j’ai peur de commencer à oublier, mais très vite j’ai envie de prévenir mon ancien moi de ce qui l’attend, de lui dire que la Bête restera toujours avec nous.

Dix-sept ans, un embonpoint naissant, fauché, célibataire et saoul : j’incarnais la white trash, le Blanc pauvre et sans éducation.

Lu aussi par A propos de livres.

Projet non-fiction de Marilyne, c’est ma participation de novembre.

23 commentaires sur « Justin St. Germain, Son of a gun »

    1. Je n’ai pas eu l’occasion de l’entendre parler de son expérience et de son livre à Vincennes, je me suis rattrapée avec cette lecture. Passionnante, mais pas éprouvante. J’aime bien la sobriété.

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  1. Je me souviens de sa prestation lors du Festival America. Je pense que je le lirai ensuite, quand il s’éloignera de son histoire personnelle (mais je comprends très bien qu’il ait eu envie d’écrire ce livre) .

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    1. Ah oui, c’est toi qui avais assisté à la table ronde sur la violence ! Et ça ne t’ a pas donné envie de le lire ? J’ai vraiment aimé sa démarche et son franc-parler.

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  2. Ah oui, pas facile, mais effectivement très intéressant. Courageux par ce récit sobre, qui semble intègre. Je n’avais pas vu passer ce livre ( et ton billet me fait penser à  » Ma part d’ombre  » d’Ellroy )

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    1. Effectivement, il dit (en interview) connaître ce livre de James Ellroy et l’admirer. Je n’ai pas lu Ma part d’ombre, je ne peux pas comparer, mais les démarches sont similaires.

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  3. C’est étonnant de se rendre compte à quel point les auteurs ont besoin de se débarrasser de certaines choses dans leur premier roman (qui n’en est pas un d’après ce que tu dis, puisqu’il revendique la non-fiction), un peu comme l’amorce de ce qui va (peut-être) suivre. Tu as l’air suffisamment convaincue pour attendre une autre production.
    Je ne sais pas si je serais sensible à ce titre, je crains un côté trash et désabusé…

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