Jens Christian Grøndahl, Les complémentaires

complementairesL’auteur : Jens Christian Grøndahl est né à Copenhague en 1959. Il a suivi une formation de réalisateur de cinéma, puis étudié la philosophie. Il a commencé à écrire en 1985. Auteur d’une quinzaine de romans, il a également écrit divers essais, pièces de théâtre, et pièces pour la radio. Il est aujourd’hui un auteur vedette au Danemark et ses livres sont traduits dans de nombreux pays. Les romans publiés chez Gallimard depuis 1999 lui ont valu un accueil critique enthousiaste et un lectorat de plus en plus large.
236 pages
Editeur : Gallimard (septembre 2013)
Titre original : Det gor du ikke
Traduction : Alain Gnaedig

Cet auteur n’est pas un inconnu pour moi, j’ai déjà lu et aimé Bruits du cœur et Les mains rouges. Ce n’est pas un auteur de grands drames bruyants. Son domaine est plutôt de creuser sous les apparences d’une relation, d’une amitié, d’un amour, pour laisser entrevoir autre chose.
Au cœur de son dernier roman, un couple d’une cinquantaine d’années, l’avocat David Fischer et sa femme Emma. David est danois, Emma est londonienne, mais a quitté Londres depuis vingt-cinq ans. Leur fille Zoë étudie aux Beaux-Arts, renvoyant sa mère à ses aspirations, elle qui se contente très bien depuis des années de peindre en dilettante dans son atelier au fond du jardin. Deux événements vont fissurer l’image de couple harmonieux donnée par David et Emma. Leur fille Zoë leur présente son petit ami Nadeel lors d’un repas familial, et David découvre une croix gammée peinte sur leur boîte aux lettres. Quant au titre Les complémentaires, il renvoie à une exposition d’art conceptuel présentée par Zoë, et dont le vernissage constitue l’apogée du roman. Pour ceux qui connaissent Zadie Smith, j’ai trouvé un peu le même genre d’atmosphère, et de plume qui gratte là où ça fait mal que dans De la beauté
Les thèmes de l’affirmation de soi, de l’usure du couple, de l’héritage familial, culturel et religieux, de la transmission, de la pratique de l’art sont menés avec vivacité. Je me suis beaucoup attachée au couple formé par Emma et David, j’ai éprouvé beaucoup d’intérêt pour leurs interrogations, j’ai apprécié que l’auteur reste dans la mesure, et ne cherche pas à leur imposer des événements qui auraient été trop dévastateurs pour leurs personnalités. L’ensemble est très réaliste, les réflexions interpellent, j’ai d’ailleurs noté quantité de passages, dont voici un échantillon en-dessous. De quoi vous préparer à écouter Jens Christian Grøndahl ce soir dans l’Europe des écrivains !

Extraits : Aux yeux de beaucoup, comme elle était tellement dorlotée, elle avait certainement négligé de se battre, de brandir son étendard et de voir jusqu’où son talent aurait pu la porter. Elle peignait dans la serre et, pendant une période, elle avait enseigné les arts plastiques dans un lycée. De l’extérieur, elle ressemblait sans doute à un mélange médiocre de mondanité et de fiasco. L’épouse d’un homme aisé qui n’avait pas réalisé son rêve d’artiste.

Il voulait tant être comme tout le monde. Il ne désirait rien d’autre, à l’opposé de l’acharnement dominant à se rendre visible et unique. On pouvait tout bonnement dire qu’il était unique dans sa volonté d’être banal.


Elle avait prévu de passer le temps en compagnie de Louise, au café, puis en faisant les boutiques. Sa sortie abrupte avait créé un vide dans la journée et elle était désorientée. Elle avait l’habitude d’être seule, mais, en règle générale, c’était prévu et elle ne se sentait donc pas seule. Quand elle était dans la serre entourée de ses toiles, avec le jardin au-dehors, la solitude apparaissait comme un choix.


Emma n’était pas vulgaire parce qu’elle ne prenait pas les choses à bras-le-corps pour essayer qu’elles tombent bien et juste, qu’elles fassent sens. Parce que, plutôt que de voir le monde en noir et blanc, elle le percevait dans toutes ses teintes et nuances sans fin. Parce qu’elle ne laissait pas sa volonté saisir avec trop d’impétuosité les objets de ses désirs, et parce qu’elle se taisait quand les autres bafouillaient sur tout.

Pour David et Emma, la vie était devenue un registre cohérent de sentiments, d’idées, de mystères et de raison.

Lu aussi par Cathulu, Jostein, Krol et Laure.

Les anciens sont de sortie chez Stephie (c’était un roman de l’automne 2013) et c’est aussi L’Europe des écrivains avec Sandrine avec le Danemark ce 5 novembre.

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34 commentaires sur « Jens Christian Grøndahl, Les complémentaires »

  1. J’aime beaucoup l’ambiance des livres de cet auteur. Je n’ai pas lu les deux autres titres que tu cites mais j’avais aimé aussi Quatre jours en mars. Merci pour le lien

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  2. Un auteur que j’aurais bien choisi mais j’ai constaté que ma bibliothèque était pauvre en auteurs danois. C’était « Les mains rouges qui me tentait, ce sera pour une autre fois car ce Danois-là a je crois tout ce qu’il faut pour me plaire.
    Merci de ta participation !

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  3. J’aime cet auteur et tout ce qu’il représente ( à mes yeux tout au moins ! ) de  » scandinavité  » ( goût de l’intime, simplicité et subtilité )

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  4. Non mais c’est sûr, si tu cites « De la beauté » dans ton billet … 😉 !
    Et si j’ajoute ce que tu en dis et les extraits que tu cites, là, je suis obligée d’aller y voir de plus près !

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  5. J’avais lu quand à moi « Quatre jours en mars » que j’avais trouvé magistral avec des portraits très justes et u style impeccable, au moins pour la traduction. Un auteur vraiment intéressant que je continuerai à lire.

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