Judith Perrignon, Les faibles et les forts

faiblesetlesfortsL’auteur : Judith Perrignon née en 1967 est auteur et ancienne journaliste à Libération. Entrée en 1991 au journal comme journaliste politique, elle fera un détour par la page « Portraits » du journal, avant de le quitter en avril 2007. Elle s’adonne depuis au travail de l’écriture. Elle a notamment publié C’était mon frère (2006), sur Vincent et Théo Van Gogh, Lettre à une mère avec le Pr Frydman (2008), Les chagrins (2012)…
156 pages
Editeur : Stock (août 2013)

 

Le début du roman donne, de très belle manière, la parole aux différents membres d’une famille qui viennent d’être confrontés à une brutale descente de police. Il y a la grand-mère, la mère, le grand fils, la fille adolescente, les enfants plus jeunes… L’absence des hommes est criante. La grand-mère, Mary Lee, possède la plus forte des voix, et celle à laquelle on s’attache le plus. Malgré le choc éprouvé par ces soupçons policiers envers le fils aîné, Marcus, la famille décide de ne pas changer le programme de sa journée, et de la passer au bord du fleuve. Par une brusque rupture, amorcée avec les souvenirs de May Lee, la deuxième partie retourne soixante ans en arrière vers un fait-divers terrible qu’on découvre, puis la troisième partie sera, ou devrait être, encore plus dramatique, dès lors qu’on comprend de quels faits il s’agit, et l’explication de cette tragédie.
Toutefois, malgré la force du sujet, je me suis sentie flouée, presque déçue par ce livre que tout le monde semble avoir aimé… Les faits du débuts, la descente de flics au domicile de la famille, sont déconnectés de la suite, et semblent plaqués artificiellement. Le drame principal n’arr
ive qu’après une construction qui m’a semblé laborieuse, et il est raconté au cours d’une reconstitution d’émission de radio, sans qu’on comprenne la raison de ce choix…
Alors, oui, certes, le sujet abordé ne laisse pas indifférent, on ne peut que se révolter et être ému par les séquelles invisibles de siècles de ségrégation, mais je ne trouve pas pour autant de qualités littéraires particulières à ce roman. Le manque d’homogénéité entre les trois parties me gêne. Si j’en reviens aux auteurs anglo-saxons qui ont toujours mes faveurs dès qu’il s’agit d’écrire sur le racisme ou la discrimination, je préfère largement Le temps où nous chantions, de Richard Powers, Home, de Toni Morrison, Zeitoun, de Dave Eggers, ou bien d’autres… Je ne déconseillerais pourtant pas cette lecture, car il ne me semble pas possible d’ignorer les faits dénoncés, mais sachez que la forme du récit peut interférer et vous empêcher tout enthousiasme, comme ce fut mon cas, mais pas celui de tous…

Extrait : Je sais ce qui t’attend, Marcus. Je suis vieille, je connais leurs suppositions, leurs certitudes nous concernant, je sais le cercle vicieux où tombent trop souvent nos garçons, j’ai tout vu, trop vu, j’ai le temps derrière moi, je sais sa pente, la fierté qui s’en va, vous a quitté et vous laisse glisser. La prochaine fois, c’est la prison. Tu vois bien comment fait la police, et puis les juges ensuite. Tu l’attends on dirait… J’ai honte. Envie de te battre. Tu ne comprends pas que tu ressembles à ce qu’ils pensent de toi, à ce qu’ils attendent de toi, que tu fais du mal aux tiens, à ceux qui sont là comme à ceux qui sont morts! Ceux qui sont morts, ils sont avec nous, plus que chez les autres gens, ils nous surveillent, ils vérifient qu’on fait bien les choses, qu’on bousille pas tout ce qu’ils ont obtenu pour nous.

Ailleurs : Clara a été remuée par le roman, In cold blog l’a trouvé superbe, pour Sylire il est poignant, Yv a été scotché par sa force, mais Luocine l’a trouvé un peu trop démonstratif…

38 commentaires sur « Judith Perrignon, Les faibles et les forts »

  1. Le sujet m’intéresse, mais ce que tu en dis me refroidie, ça a l’air de jouer un peu dans le pathos, ce qui n’est pas utile. Ta note me fait un peu penser à celle que j’avais écrite sur « La couleur des sentiments », mitigée, c’est le moins que l’on puisse dire … J’avais été beaucoup plus touchée par « Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur ». Et Percival Everet a un regard décalé sur le même sujet, juste excellent et décapant, sans aucune mièvrerie !

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    1. Je ne dirais pas que le roman cherche trop le pathos, les faits eux-mêmes, dont je n’ai pas voulu trop parler, touchent à l’émotion, sans qu’il y ait besoin d’en faire trop. C’est surtout le style et la construction qui ne m’ont pas convaincue.

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  2. Il avait été très très bien accueilli ce livre, je me souviens de l’enthousiasme des uns et des autres, mais une amie IRL qui l’avait lu avait été plus mitigée, donc j’avais attendu, le round 2 blogosphérique….et voilà. Je savais que la construction était très spéciale….
    Je dois lire « ne tirez pas… » pour le mois américain.

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    1. Le deuxième round blogosphérique, j’aime cette expression ! C’est une très bonne idée de l’attendre, ou de te fier à tes amies… 😉 Pas de crainte à avoir avec « Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur » il est validé depuis longtemps !

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  3. Et dire qu’il est toujours sur ma PAL… et dire que le challenge rentrée 2013 est fini. J’aurais encore de quoi le nourrir, moi…

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  4. C’est le premier billet peu enthousiaste sur la blogo, non? Les romans français qui traitent de ce thème me font peur mais je l’ai tout de même noté.

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