Louise Erdrich, Le jeu des ombres

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L’auteur : Louise Erdrich est née en 1954 dans le Minnesota, d’une mère ojibura, donc amérindienne, et d’un père germano-américain. Elle grandit dans le Dakota du Nord, aux États-Unis, où ses parents travaillaient au Bureau des Affaires Indiennes. Louise Erdrich est l’une des grandes voix de la nouvelle littérature indienne d’outre-Atlantique. Louise Erdrich vit aujourd’hui dans le Minnesota.
259 pages
Editeur : Le Livre de Poche (avril 2014)
Traduction : Isabelle Reinharez
Titre original : Shadow tag

Les différentes facettes d’un auteur tel que Louise Erdrich participent beaucoup au plaisir de la retrouver au fil des années, avec des thèmes qui se renouvellent mais quelques fils conducteurs : la culture amérindienne et son influence sur la vie quotidienne, la famille et le couple, l’art…
Gil et Irene forment un couple, d’origine amérindienne, passionné, au bord de la rupture, menant de front leur vie d’artiste-peintre pour lui, d’écrivain pour elle, et l’éducation de leurs trois enfants. Irene soupçonne Gil de lire ses carnets intimes, et laisse à son intention un agenda rouge où elle distille le vrai et le faux, de manière assez perverse. La personnalité de Gil est assez trouble aussi, il est rigide et parfois violent. Leurs trois enfants compensent chacun à leur manière les manques parentaux…
Voilà, résumé assez sommairement, l’esprit de ce roman, qui comporte de très beaux passages sur la vie de couple, sur la maternité, et des scènes émouvantes, notamment celles où interviennent les enfants de Gil et Irene. Toutefois, l’ensemble ne m’a pas totalement convaincue, il m’a manqué un petit quelque chose pour que la mayonnaise prenne, entre manipulation, tension psychologique, et réflexions sur l’art ou sur la culture indienne. Mon roman préféré de l’auteur restera son dernier, Dans le silence du vent, et celui-ci ne me laissera qu’un souvenir distrait, si on excepte la scène finale, magnifique, vers laquelle tend tout le roman.

Extraits : Dans le cadre de ses nouveaux efforts d’observation, Riel remarquait quantité de choses. Par exemple, elle avait remarqué que les chiens se comportaient comme si leurs maîtres humains partaient en voyage. Les chiens détestaient voir apparaître les valises. Mais il n’y avait pas de valises. Les chiens réagissaient simplement comme s’il y avait des valises. Ils étaient nerveux et aux aguets, ces jours-ci. Il y avait dans l’air quelque chose qui les mettait mal à l’aise. Grâce à ses sens fraîchement affinés, Riel le sentait aussi. C’était quelque chose de particulier à quoi elle ne tenait pas à donner un nom, même si d’habitude elle était capable de donner un nom à tout.

Irene était une lectrice indisciplinée et gardait un fouillis de livres à moitié lus près de son lit, mais aussi sur les tables basses et aux toilettes. Elle avait rarement la patience d’aller jusqu’au bout de ses lectures, même si elle prenait des notes sur des fiches. Des amas de fiches en désordre étaient entassés çà et là, déstabilisant les piles qui s’effondraient déjà au chevet du lit. Gil lisait avec davantage de méthode. S’il commençait un livre, il le terminait. Sa vénération pour les livres était née avec les merveilles mises au rebut que sa mère avait rapportées à la maison. L’odeur des pages moisies. Le dos cassé, déchiré, laissant apparaître le carton. Rien ne comptait sinon que le volume soit sauvé comme quelque chose d’humain.

Le cerveau d’une mère est un monceau de déchets où subsiste le guano culturel des âges de chacun de ses enfants.

Les avis d’Aifelle, Antigone, Clara, Hélène, Keisha et Valou.

42 commentaires sur « Louise Erdrich, Le jeu des ombres »

  1. Je n’ai été plus séduire que cela par ce roman, je crois en fait que je ne suis pas sensible à cette auteure … parce que c’est de ça aussi dont il s’agit avec la lecture, la rencontre qui se fait ou pas entre un auteur et un lecteur .

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  2. C’est une auteure que j’aime bien lire de temps en temps. Mais comme ses livres se ressemblent (comme tu le soulignes), il vaut mieux laisser un peu de temps entre chaque lecture.

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  3. C’est un livre assez différent des autres par le thème, mais il m’a plu autant ; je ne me souviens pas d’une déception, même si j’ai préféré également « dans le silence du vent »

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  4. Je l’ai déjà presque oubliée mais je ne suis pas sensible à la plume de cette auteure j’aime pourtant beaucoup écouter parler.

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  5. De beaux passages, mais je ne rejoins, l’ensemble est un peu moins convaincant que certains autres titres de cette même auteur. Je n’ai pas encore lu le dernier, je craignais d’être un peu déçue, mais tu sembles l’avoir beaucoup aimé. Et puis, comme je suis aussi fan de Boyden, j’espace les lectures sur les amérindiens, pas envie de m’en lasser … Ces deux écrivains sont en tout cas de formidables narrateurs de cette civilisation !

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    1. Moi aussi, je suis fan de Jospeh Boyden… mais c’est sûr qu’il faut alterner avec d’autres atmosphères, d’autant qu’ils ne font pas dans le léger, léger !

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    1. J’avoue ne plus trop me souvenir de La malédiction des colombes… pourtant je l’avais aimé. Mais L. Erdrich brasse beaucoup de thème au fil de ses livres, je mélange un peu.

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  6. Je te rejoins entièrement. En revanche, j’ai eu du mal à suivre entre les deux carnets.

    Je n’ai pas lu « Dans le silence du vent » mais je recommande pour ma part un livre plus ancien, « Ce qui a dévoré nos cœurs ». J’ai toujours l’intention de continuer à découvrir l’œuvre d’Erdrich mais celui-ci m’avait vraiment déçue (si ce n’est la fin, très réussie, comme tu le soulignes).

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    1. Pour les deux carnets, j’étais obligée de revenir au début pour savoir s’il s’agissait du rouge ou du bleu ! J’espère que tu apprécieras davantage un autre de ses romans.

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    1. Je ne sais pas du tout, Anis ! J’ai remarqué aussi que je recevais beaucoup moins de notifications de blogs (sous wordpress) auxquels je suis abonnée. J’avais réglé pour recevoir des notifications une fois par semaine, mais c’est moins souvent encore… Bizarre.

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