Richard Russo, Ailleurs

 

ailleurs L’auteur : Richard Russo est né en 1949 et a grandi près de Gloversville, dans l’État de New York. Il a obtenu un doctorat de philosophie en 1979 et un Master of Fine Arts en 1980 à l’Université d’Arizona. Il a été professeur de littérature avant de se consacrer à l’écriture. En 2002, son roman intitulé Le déclin de l’empire Whiting (Empire Falls) a été récompensé par le prix Pulitzer. Il a écrit cinq autres romans ainsi qu’une série de nouvelles, et été co-scénariste sur plusieurs films ou séries.
261 pages
Editeur : Quai Voltaire (septembre 2013)
Traduction : Jean Esch
Titre original : On Helwig Street : A memoir

Toutes mes lectures de Richard Russo m’ont emballée, sauf Le pont des soupirs, plus sombre et fort long, qui n’a pas dû tomber au moment adéquat. Sinon, j’ai aimé successivement Quatre saisons à Mohawk, Le déclin de l’empire Whiting, Mohawk qui tout trois plantaient de manière géniale le décor d’une petite ville et le portrait de leurs habitants. Un peu à part, Les sortilèges du Cape Cod, narrait sur un ton plus léger, quoique pas dépourvu d’émotion, une sorte de « Deux mariages et deux enterrements ». Autant dire que ce livre plus personnel me faisait de l’oeil.
Dans Ailleurs l’auteur parle en effet de lui, et plus particulièrement de sa mère, qui l’a élevé seule, enfin si on peut dire qu’elle l’ait élevé, tant très vite, le jeune Richard Russo fut son soutien plutôt que sa charge. Une mère étouffante, obsessionnelle, sujette à des crises d’angoisse, obsédée par la pauvreté. C’est tardivement qu’il se rendra compte qu’elle était malade, réellement malade, et non uniquement fragile des nerfs comme on le disait dans sa famille. Sa mère est omniprésente à tous les moments de sa vie, et ce n’est pas seulement de son enfance qu’il s’agit, mais aussi de ses années d’études, son mariage, sa carrière universitaire, son rôle de père. La finesse des descriptions de lieux, qui prennent vie à travers ses mots, sont une constante chez Richard Russo, et il en va ainsi pour les lieux réels tel Gloversville, sa ville natale qui vivait le l’industrie du gant, sœur jumelle de l’imaginaire Mohawk.onhelwigstreet
Il est impossible de ne pas être touché, tant quand il raconte son enfance, quand il décrit de manière factuelle les comportements erratiques de sa mère, que quand il analyse leurs ressemblances ou leur goût commun pour la lecture, tout sonne vrai dans cette déclaration d’amour inconditionnel. Ce que je trouve parfois gênant dans les livres autobiographiques, ne l’a pas été dans celui-ci, grâce à l’honnêteté du propos, qui ne cache rien, sans en faire trop. Et puis Russo ne peut s’empêcher de laisser poindre l’humour un peu grinçant qui le caractérise, et certaines scènes comme la traversée des Etats-Unis alors qu’il est conducteur débutant, à bord de la Mort grise, sa première voiture ainsi nommée, sont vraiment mémorables !
Un livre nécessaire à l’auteur, mais à ses lecteurs aussi, qui y retrouvent parfois l’origine de tel ou tel roman, comme Les sortilèges de Cape Cod.

Extrait : C’est grâce à ma mère que j’ai appris que lire n’était pas un devoir, mais une récompense, grâce à elle que j’ai eu l’intuition d’un vérité essentielle : la plupart des gens sont enfermés dans une existence solitaire, une vie restreinte par le manque et l’absence d’imagination; des limites que ne connaissent pas les lecteurs. Vous ne pouvez pas créer un écrivain sans créer d’abord un lecteur, et c’est ce que ma mère a fait de moi. En outre, même si je n’avais plus l’âge de m’intéresser à ses livres, ceux-ci participèrent à la fabrication de l’écrivain que je deviendrais plus tard, un écrivain qui, contrairement à beaucoup d’autres formés à l’Université, ne considérait pas le mot « intrigue » comme un gros mot, qui faisait attention au public et au rythme, et qui se montrait peu tolérant vis-à-vis des prétentions littéraires.


Lu aussi par Aifelle, Claudialucia (merci !) Cuné, Galéa, Keisha et Val.

31 commentaires sur « Richard Russo, Ailleurs »

  1. Un coup de cœur pour moi aussi, pour une première lecture de l’auteur, c’était une réussite. (j’ai vu « l’empire whiting » à 1 euro dans une bouquinerie cette semaine, en grand format, je vais retourner l’acheter s’il est encore là).

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  2. C’est un auteur qui me tente beaucoup à chaque fois que je lis les résumés de ses livres, mais dont je n’ai pas été emballée par un recueil de nouvelles (j’ai oublié le titre).

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  3. C’était ma première rencontre avec l’auteur, sans être un coup de coeur, j’ai aimé la sensibilité et le regard de Russo, suffisamment pour avoir envie de poursuivre la rencontre.

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  4. J’ai aimé tous les romans de Richard Russo que j’ai lu mais je ne lirai pas celui-ci. Je n’aime pas quand c’est autobiographique, sauf si c’est romancé ou que ça m’intéresse très fortement. Ce qui n’est pas le cas ici.

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  5. Je l’ai aussi beaucoup aimé, alors que je n’avais jamais lu Russo avant, et ce que tu dis de ses autres romans me remplit de joie. Je commencerai donc par les sortilèges.
    Un beau dimanche à toi

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