Ferenc Karinthy, Épépé

epepeL’auteur : Fils de l’une des figures mythiques de la littérature hongroise du début du XXème siècle, Ferenc Karinthy (1921-1992), journaliste, dramaturge, traducteur de Molière et champion de water-polo, est au centre de la vie littéraire de son pays. Épépé, paru pour la première fois en Hongrie en 1970 et en France en 1996, est un livre culte traduit en une vingtaine de langues.
288 pages
Editeur : Zulma (collection de poche)
Traduit du hongrois par Judith et Pierre Karinthy
Présenté par Emmanuel Carrère

Mais que signifie donc Épépé ? Pour Budaï qui arrive par un malheureux hasard de voyage dans une ville parfaitement inconnue, au lieu d’atterrir à Helsinki où il se rendait pour un colloque, ce mot étrange sera le premier qu’il comprendra au bout de longs jours à côtoyer une population dont la langue lui est totalement étrangère. Ce qui lui arrive est implacable, un somme de durée indéterminée dans l’avion, l’arrivée à l’aéroport qu’il croit être d’Helsinki, mais quand le taxi le conduit à un hôtel où il ne comprend rien, ni les paroles du portier, qui lui prend son passeport, ni les inscriptions placardées ici et là, il commence à se poser des questions. Et pourtant Budaï est linguiste, mais rien ne lui rappelle une langue connue. Il en vient même à se demander dans quel continent peut être située cette ville. « Que fait-il ici, et même où se trouve cet « ici », quelle ville, quel pays, quel continent, quel coin du monde maudit des dieux ? ». De plus, l’endroit est surpeuplé, le moindre déplacement est compliqué par des hordes d’habitants toujours pressés, par des files d’attente interminables. Cette ville est quelque peu angoissante, avec ses hautes tours, ses murs gris, et brouillard, nuages et pollution qui cachent le plus souvent le soleil.
Emmanuel Carrère dans la préface compare 
Épépé avec le film Un jour sans fin ou avec l’histoire de ce malheureux qui vécut des dizaines d’années dans un hôpital psychiatrique sans réussir à communiquer avec personne parce qu’il ne parlait pas la langue locale. J’ai trouvé des accents, aussi, dans le malheur, du Voyage d’Anna Blume et me suis posée la question de l’ultime voyage, l’ultime destination, que se pose Budaï à un moment. Mais sans doute l’auteur a-t-il plutôt voulu traiter, sur le mode du décalage et de l’humour, de la vie quotidienne sous un régime totalitaire…
En tout cas, la fable est particulièrement réussie, les péripéties nombreuses, et j’étais impatiente de reprendre ma lecture pour savoir ce qu’il allait advenir de Budaï, embarqué dans une bien terrible aventure, malgré sa débrouillardise et sa sensibilité aux langues étrangères. Aventure plus terrible pour lui que pour le lecteur, qui sourit plus d’une fois. Quelques petites longueurs vite dépassées, et une lecture que je ne suis pas prête d’oublier !

Extrait : Il retourne péniblement jusqu’à l’entrée de l’hôtel et s’adresse cette fois au fidèle gros portier en faction dans sa fourrure, il essaye de lui expliquer par gestes, et en diverses langues, qu’il cherche un taxi ou au moins une station de taxis, cela doit bien exister à proximité, il répète, têtu, ce mot tellement international :
– Taxi !… Taxi, taxi ?!…
L’autre, imbécile, bat des paupières sur ses yeux minuscules enfouis dans son visage gras, porte la main à sa casquette galonnée d’or pour saluer, puis lui ouvre la porte battante. Alors Budaï lui crie de tout près, directement sous le nez, ce qu’il veut ; le portier lui répond quelque chose comme :
– Kiripidou labadaraparatchara… Patarachara…
Il salue de nouveau et de nouveau il ouvre la porte comme une marionnette qui ne sait faire que cela.

Conquis aussi, sont Cachou, Delphine et Yv.

33 commentaires sur « Ferenc Karinthy, Épépé »

  1. Si ce roman t’a fait penser au film « Un jour sans fin », il faut que le je lise à tout prix alors car, je ne sais pas au juste pourquoi mais c’est un de mes films préférés qu je me repasse souvent en voucle! 🙂

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  2. Une lecture troublante effectivement parce qu’on rit un peu des mésaventures du héros, mais en même temps on frémit à l’idée d’être à sa place

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  3. J’avais également trouvé très savoureux que ce soit un linguiste qui se retrouve en pareille situation, dans un pays dont il parle pas la langue mais aussi dont la la langue semble impossible à s’approprier, parce que sans cesse changeante. Un vrai cauchemar pour le linguiste !

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