Jean Echenoz, Courir

courir_audioL’auteur : Jean Echenoz est né à Orange (Vaucluse) en 1947. Prix Médicis 1983 pour Cherokee. Prix Goncourt 1999 pour Je m’en vais. Ce roman fait partie d’une trilogie de romans biographiques avec Ravel (2006) et Des éclairs, sur Nikola Tesla en2010. Son dernier roman est 14 paru en 2012.
Lu par l’auteur
Durée 3 heures
Editeur : Audiolib (2009)

Je dédie aujourd’hui cette lecture à ceux qui cherchent un peu plus joyeux que mon billet précédent. En plein pendant les JO, je ne pouvais pas tomber mieux, quoique la course de fond n’ait pas sa place en plein hiver ! Et puis cela me réconcilie avec le livre audio après la déception de La mort du roi Tsongor.
En 1938, au moment de l’invasion de la Bohème-Moravie, Emile Zatopek est apprenti dans l’usine Bata de sa ville, à travailler sur des semelles de chaussures. Ses parents auraient souhaité qu’il devienne instituteur mais à cette époque, l’épreuve de chant était indispensable pour devenir « cantor », or Emile chante comme une casserole. Emile n’est pas plus attiré par le sport, les compétitions de cross country auquel il doit participer sont une corvée pour lui. Pourtant, il n’y réussit pas trop mal, et commence à s’y intéresser, et comme tout ce qu’il entreprend, il se donne à fond. Il va jusqu’au bout de ses forces à l’entraînement, si bien que les compétitions lui semblent faciles. Les premiers rassemblements où, faute de comprendre la langue, il manque de rater l’appel des concurrents, le stade où il apparaît en bonnet à pompon et short, les courses où il laisse loin derrière les autres concurrents, ses démêlés avec l’administration du parti, les compétitions encore…
Les chapitres se succèdent et dès le début, le style et le ton m’ont séduite et donné envie d’en savoir plus. Je ne connaissais pas Jean Echenoz et j’ai adoré son style tout en simplicité, avec un rythme parlé, et qui pourtant doit être fort bien travaillé pour être aussi concis et évocateur à la fois… De 1938 à 1968, l’histoire de la Tchécoslovaquie, la grande histoire, celle du sport et ce parcours individuel hors normes se mêlent pour donner un récit passionnant. L’auteur n’écrit pas la vie de ce sportif de façon exhaustive, mais un aspect, un éclairage, et le reste semble graviter autour, sans rien de lourd, ni d’inutile. Quant à l’humour discret de Jean Echenoz, il fait mouche comme lorsque l’auteur-narrateur déclare « Je ne sais pas vous mais moi, tous ces exploits, ces records, ces victoires, ces trophées, on commencerait peut-être à en avoir un peu assez. Et cela tombe bien car voici qu’Emile va se mettre à perdre. » !
C’est l’auteur qui lit le livre, et il réussit parfaitement à faire coller le ton et le contenu, et à ne jamais lasser. Au contraire, j’étais ravie de retrouver ma voiture pour continuer !Zatopek1

Extraits : Emile, on dirait qu’il creuse ou qu’il se creuse, comme en transe ou comme un terrassier. Loin des canons académiques et de tout souci d’élégance, Émile progresse de façon lourde, heurtée, torturée, tout en à-coups. Il ne cache pas la violence de son effort qui se lit sur son visage crispé, tétanisé, grimaçant, continûment tordu par un rictus pénible à voir. Ses traits sont altérés, comme déchirés par une souffrance affreuse, langue tirée par intermittence, comme avec un scorpion logé dans chaque chaussure. Il a l’air absent quand il court, terriblement ailleurs, si concentré que même pas là, sauf qu’il est là plus que personne et, ramassée entre ses épaules, sur son cou toujours penché du même côté, sa tête dodeline sans cesse, brinqueballe et ballotte de droite à gauche.

Les avis de Cécile, Dasola, Hélène, Titine, Athalie…

Une intéressante interview de l’auteur sur Audiolib. Je participe à Ecoutons un livre avec Valérie et de nombreux autres lecteurs !

ecoutonsunlivre

41 commentaires sur « Jean Echenoz, Courir »

  1. Un auteur qui vous donne envie d’aimer la course de fond en vous faisant sourire, quasi de tendresse fondue pour le coureur … J’avais adoré ( mais bon, je suis une inconditionnelle d’Echenoz …). Puisque visiblement tu as aimé cette pseudo biographie, il y a aussi « Ravel » et « Des éclairs » qui sont excellents, et « Jérôme Lindon » (un hommage à l’éditeur, une tonalité plus grave et intime).

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  2. J’ai découvert l’auteur avec ce titre et comme toi en version audio et j’avais beaucoup aimé sa lecture. J’ai encore préféré 14, toujours lu par l’auteur.

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  3. J’ai « je m’en vais » dans ma PAL papier. De l’auteur j’ai lu « 14 » en version audio mais je n’avais pas tellement aimé la voix d’Echenoz, contrairement à toi.

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  4. Un titre que j’ai envie de lire depuis longtemps. On court beaucoup autour de moi, mais pas moi… Je suis très prudente avec les versions audio, pas certaine que ce format soit fait pour moi, je n’ai jamais le temps d’écouter longtemps et tranquillement… Je le lirai certainement en version livre.

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  5. N’écoute pas ceux qui te disent que Echenoz a raté un livre, écoute-moi, moi qui ne les ai pas tous lus, notamment je n’ai pas lu Courir, le seul de sa trilogie-roman-biographie (il y a aussi Ravel et Des éclairs -sur N. Tesla). Echenoz est un écrivain excellent avec une écriture sublime, n’hésite pas à continuer sa lecture ou son écoute (je crois que c’est lui qui lit pas mal de ses livres sinon tous)

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    1. Je t’écoute, même si tu ne les as pas tous lus… 😉 J’ai vraiment adoré son écriture, je me mets à adorer des écrivains français en ce moment, c’est inquiétant… si, si, vraiment !

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    1. Je pense d’après certains commentaires que ceux qui ont adoré Tsongor n’avaient pas lu Pour seul cortège auparavant… Ces deux histoires ont des similitudes, et au bout d’un moment, je me suis ennuyée…

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      1. Eh bien moi justement j’ai écouté Tsongor au même moment où je lisais le cortège et j »ai adoré les liens entre les deux… mais bon, je crois ne pas être très objective avec Gaudé 😉

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