Gail Jones, Cinq carillons

cinqcarillonsL’auteur :Gail Jones, qui enseigne à l’université de Sydney, est une des plus brillantes romancières d’Australie aujourd’hui, auteur de deux recueils de nouvelles et de six romans dont Pardon, publié au Mercure de France.
315 pages
Editeur :
Mercure de France (2012)
Titre original :
Five bells
Traduction : Josette Chicheportiche

Un samedi de pleine chaleur à Sidney. La foule des touristes et des visiteurs d’un jour se presse sur Circular Quay, admire la vue sur l’Opéra, écoute un joueur de didgeridoo, s’apprête à prendre un des nombreux ferries ou achète des glaces. Parmi eux, quatre personnes arrivent pour la journée, chacune avec une attente particulière. Ellie va revoir enfin James, son premier amour. Catherine ne cesse de repenser à l’Irlande et à son frère. Et Pei Xing, qui a recommencé en Australie une nouvelle vie, passe toutes les semaines par cet endroit. Le lecteur suit, entre observations sur ce qui les entoure et souvenirs, les pensées de chacun.
Ce roman n’est pas un roman facile, il demande à être un peu apprivoisé, à se laisser porter par les images et les réflexions qu’il suggère. Surtout, il est fort bien écrit et traduit, au grand dam des romans qui passent après, et peuvent paraître plus fades, les pauvres ! Les personnages portent en eux de lourds souvenirs, d’autres plus légers ou sont parcourus de failles qui laissent entrevoir autre chose, comme James : « Mais James se disloquait, il le savait. Il n’était plus que fissures et béances, comme si quelque chose dans son corps s’était déchiré. Le temps passé s’infiltrait à l’intérieur, et la honte et le regret, et trop de réalité importune. »
J’ai été frappée par le cosmopolitisme de Sidney, présenté comme une sorte de tour de Babel par l’auteur. On sent d’ailleurs que les différentes cultures imprègnent ses personnages, leurs cultures d’origine, celles qu’ils ont adoptées, les rendant capables de créer des liens, et d’être curieux des autres. Pei Xing porte en elle les histoires russes racontées par son père, ce qui la rend à la fois forte et touchante. Un autre angle passionnant de lecture de ce livre est la façons dont les perceptions varient d’une personne à l’autre, comment par exemple chacun va voir l’architecture du fameux Opéra, et laisser des impressions différentes l’envahir.
C’est une très belle découverte que cette auteure australienne, et que ce roman intense, profond et lumineux.

Citations (il faudrait tout citer !) : Il avait une histoire russe pour chaque occasion, une homélie littéraire pour chaque événement. Mais sa fable complétait merveilleusement le souvenir de cette journée. Toujours là, des années après, comme la buée sur une vitre, une trace humaine pour regarder à travers. Ajoutant à la subtilité et à la persistance du souvenir de son père, bien longtemps après qu’il eut disparu.


Un arrêt de bus pouvait contenir tout cela, toutes ces histoires compliquées. Une femme debout, immobile, dans une rue passante un samedi après-midi, pouvait porter en elle tout cela – la mort, le temps, des réminiscences de deux corps s’aimant, lui revenant simultanément, concomitamment à l’esprit.

Merci aux tentatrices : Aifelle, Antigone, Cathulu, Clara, Flo et Gwenaëlle.

22 commentaires sur « Gail Jones, Cinq carillons »

  1. Je me souviens que tu avais commenté mon billet et je constate que tu sembles l’avoir aimé plus que moi (d’après ce qu’il m’en reste, c’est-à-dire plus une atmosphère qu’une « histoire »). Je crois pouvoir écrire que j’en avais aimé l’écriture fluide qui rendait bien le sentiment de dépaysement et de cosmopolitisme un samedi ensoleillé à Sydney…

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    1. S’il t’en reste une belle atmosphère, c’est déjà plus que ce que ne me laissent certains livres… Tu n’avais pas trop aimé le fait de passer un peu mécaniquement d’un protagoniste à un autre, ça ne m’a pas gênée.

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  2. Intéressant, j’aime bien le côté perceptions différentes sur un même élément, généralement. Il faudra que je me plonge dedans un de ces quatre !

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