Mathias Énard, Rue des Voleurs

ruedesvoleursL’auteur : Né en 1972, Mathias Énard a étudié le persan et l’arabe et fait de longs séjours au Moyen-Orient. Il vit à Barcelone. Il est l’auteur de cinq romans chez Actes Sud : La perfection du tir (2003, prix des Cinq Continents de la francophonie), Remonter l’Orénoque (2005), Zone (2008, prix Décembre, prix du Livre Inter), Parle-leur de batailles, de rois et d’éléphants (2010, Goncourt des Lycéens) et Rue des Voleurs (2012), ainsi que Bréviaire des artificiers (Verticales, 2007) et L’alcool et la nostalgie (Inculte, 2011).
252 pages
Editeur : Actes Sud (août 2012)

Je ne savais pas trop à quoi m’attendre en commençant ce roman, d’un format et sur un sujet très différent du seul que j’avais lu, Parle-leur de batailles, de rois et d’éléphants, et j’ai été aussitôt happée par le thème, l’évolution d’un marocain de Tanger, tout jeune homme rejeté par sa famille, et qui après des mois d’errance, ne trouve à se raccrocher qu’à ses romans policiers dénichés chez un bouquiniste et à son pote Bassam, qui fraye avec les barbus d’une mosquée du coin. Le jeune Lakhdar y trouve refuge pour quelque temps, vendant des livres édifiants aux fidèles. Il rencontre ensuite Judit, une jeune espagnole et rêve au départ.
J’ai beaucoup aimé le personnage de Lakhdar, son goût pour la littérature, d’Ibn Battuta, grand voyageur du XIVème siècle, aux polars américains ou ceux de Jean-Claude Izzo. Le style du roman colle à la naïveté du narrateur, à sa dérive dépressive, à sa façon de se moquer un peu de tout et surtout de lui-même, comme quand il constate en parlant à une jeune espagnole qui apprend l’arabe : Essayez d’avoir l’air marrant et séduisant en arabe littéraire, c’est pas du tout cuit, on croit toujours que vous êtes sur le point d’annoncer une nouvelle catastrophe en Palestine ou de commenter un verset du Coran.
J’ai aimé aussi que ce livre, sur fond de printemps arabes, ne mène jamais là où on s’y attend, jusqu’à une fin étonnante mais assez logique. J’ai noté des passages qui prêtent plutôt à sourire, mais il faut s’attendre à être ému aussi, et remué par la difficulté d’être du personnage. Une très belle découverte que je vous incite à faire aussi à l’occasion, et un auteur vraiment à suivre !

Extrait : C’était amusant de voir ces conspirateurs barbus en train de se lécher les doigts ; le cheikh avait étalé sa serviette sur sa poitrine, un coin dans le col de la chemise, pour ne pas se tacher -la sauce au safran, ça ne pardonne pas. Un autre tenait sa cuillère à pleines mains comme un gourdin et bouffait à dix centimètres de l’assiette, pour avoir le moins de chemin possible à parcourir : il engouffrait la semoule dans sa gueule grande ouverte comme du gravier dans une bétonnière. Bassam avait déjà terminé, deux larges traits jaunâtres lui agrandissaient la bouche jusqu’au milieu des joues et il suçait avec passion un dernier os de poulet. Les barbes prophétiques fleurissaient de grains de semoule, se maculaient d’une averse de neige dorée, et il fallait ensuite les épousseter comme des tapis.

45 commentaires sur « Mathias Énard, Rue des Voleurs »

    1. J’avais rencontré Mathias Enard à une fête du livre il y a trois ans, et je traînais un peu des pieds, aucun de ses romans ne m’attirant vraiment… sauf celui-ci quand il est sorti à l’automne ! J’ai lu entre temps « Parle-leur de rois… » d’un style différent.

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  1. Je le redoutais mais vous avez toutes l’air plutôt d’accord pour l’approuver ce livre alors je vais le rechercher. On doit le trouver facilement!

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  2. il faut que je me décide à le lire car tout le monde est assez positif sur ce livre, j’ai vu qu’il est sorti en livre audio alors je vais sans doute me laisser tenter

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  3. Il est très bien lu en audio, je ne sais pas si je l’aurais autant aimé en version papier. En tout cas, je le préfère au roman précédent de l’auteur.

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    1. Je pense que pour faire un bon live audio, il faut déjà un bon texte ! J’ai un presque coup de coeur pour ce roman, ce qui n’était pas le cas pour le précédent.

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