Sortie poche (12) : Cristallisation secrète

cristallisation_pocheIls sortent en poche, ces livres que j’ai aimés !

L’auteur : Yoko Ogawa vit au Japon. Elle est incontestablement l’un des plus grands écrivains de sa génération. Ses livres, traduits dans le monde entier, ont fait l’objet de plusieurs adaptations cinématographiques et théâtrales.
384 pages
Editeur :
Actes Sud (2009, Babel depuis mars 2013)
Traduction : Rose-Marie Makino

Sur l’île où vit la narratrice, jeune écrivain, d’étranges disparitions ont lieu depuis son enfance. Les timbres disparaissent, ou les grelots, ou les parfums, et passé le moment où chacun s’acquitte de la tâche de s’en débarrasser, plus aucun souvenir ne subsiste de ces objets, ni de leur utilité, ni de leur apparence. Habituée comme la plupart des habitants à ce phénomène, la jeune femme remarque pourtant que sa mère semble réagir un peu différemment des autres. Malheureusement sa mère meurt et elle se retrouve un peu plus solitaire dans ce monde étrange, où des rafles emmènent voisins ou amis. Parvenue à l’âge adulte, elle se lie d’amitié avec R, son éditeur.
Avec Yoko Ogawa, j’ai un parcours de lecture qui va crescendo. Le premier roman que j’a lu, il me semble que c’était
Hôtel Iris, m’a laissée un peu perplexe, puis les nouvelles de Tristes revanches m’ont intriguée et donné envie de continuer. Moins particuliers, plus consensuels, La formule préférée du professeur et La marche de Mina m’ont charmée. J’ai aimé aussi les nouvelles de La mer, mais aujourd’hui, c’est un vrai coup de cœur que je vous présente !
La nostalgie des choses oubliées ou disparues, c’est un thème qui convient tellement bien à Yoko Ogawa, qu’elle manie si parfaitement, à sa manière discrète et précise, que j’en ai été subjuguée. Cette critique poétique et saisissante d’un régime totalitaire, avec ses décrets arbitraires, ses emprisonnements, ses disparitions, est particulièrement prenante. Le lecteur espère que les habitants vont protester, réagir au lieu de laisser faire passivement. Les oiseaux disparaissent à leur tour, puis certains métiers, les romans disparaissent, perspective angoissante s’il en est, et d’autres privations sont même plus étranges encore. La narratrice étant écrivain nous offre un roman dans le roman, sur le thème de la disparition, bien sûr, c’est ce qu’elle connaît. Le danger que court son ami R, l’éditeur, la fait passer dans le camp discret des rebelles…
Tout dans ce livre m’a enchantée et je ne peux que souhaiter que vous puissiez le découvrir un jour aussi.

Extrait : J’étais assise sur le tabouret qui m’était réservé, et ma mère affûtait son ciseau ou polissait la pierre à la lime – elle était sculpteur – tout en parlant d’une voix tranquille.
– Quand il se produit une disparition, pendant un certain temps, l’île s’agite. Les gens se regroupent ici ou là dans les rues pour parler des souvenirs relatifs à l’objet perdu. On regrette, on s’attriste, on se console l’un l’autre. Lorsqu’il s’agit de choses qui ont une forme, on se rassemble pour les brûler, les enterrer ou les laisser dériver au gré du courant. Mais cette petite agitation ne dure guère plus de deux ou trois jours. Chacun retrouve bientôt sa vie quotidienne telle qu’elle était avant. On n’arrive même plus à se souvenir de ce qu’on a perdu.

16 commentaires sur « Sortie poche (12) : Cristallisation secrète »

    1. je préfère ceux qui explorent des domaines un peu plus bizarres, mais La marche de Mina et La formule préférée du professeur sont bien appréciés en général.

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  1. Grâce à toi je me rends compte que j’ai lu ce livre il y a tellement longtemps !!!!!! Le souvenir que j’en ai est simplement un très bon livre représentatif de l’univers de Ogawa, mais j’aurai été incapable de dire de quoi il parlait !

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    1. Heureusement que j’ai ressorti un billet de mon ancien blog, j’aurais été incapable de le raconter, autrement ! Je me souvenais seulement d’avoir aimé !

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