Mathias Enard, Parle-leur de batailles, de rois et d’éléphants

parleleurdebataillesL’auteur : Né en 1972, Mathias Enard, docteur au CNRS, a étudié le persan et l’arabe et fait de longs séjours au Moyen-Orient. Il vit à Barcelone. Il a publié quatre romans chez Actes Sud : La Perfection du tir (2003, prix des Cinq continents de la francophonie), Remonter l’Orénoque (2005), Zone (2008, prix Décembre 2008 et Livre Inter 2009) et Parle-leur de batailles, de rois et d’éléphants (2010, prix Goncourt des lycéens).
153 pages
Editeur : Actes Sud (2010)
Existe en poche

Michel-Ange, dans une période où il a quelques problèmes à Rome avec le pape Jules II, décide de répondre à la demande du sultan Bayzid et de se rendre à Constantinople pour réaliser un pont qui traversera la Corne d’Or. A son arrivée, il passe plusieurs jours, un peu désorienté, à attendre que le sultan veuille bien le recevoir et lui expliquer son projet. Il dessine, écrit des listes, s’imprègne de la ville en compagnie du poète Mesihi.
Je me rends compte que je vais avoir un peu du mal à raconter l’histoire, qui est distillée dans le livre par petites touches, tantôt suivant Michelangelo, tantôt s’exprimant par la voix d’une danseuse, à moins que ce ne soit un danseur, personnage équivoque qui a ébloui le sculpteur florentin. C’est plus un roman de sensations, de couleurs, de bruits, d’odeurs (on n’ose pas penser à celle de Michel-Ange qui ne se lavait jamais), de frôlements, d’ombre et de lumière…
Les chapitres courts créent la ville, à laquelle l’artiste semble toujours rester un peu extérieur, sans s’investir à fond dans le projet, ayant envie de repartir à peine arrivé. Il se montre un peu fragile, assez inconsistant, et n’est que très rarement montré dans son acte de création, ce qui m’a un peu manqué. Le thème de l’art dans le roman m’intéresse en ce moment, et c’est encore une vision différente de l’artiste que nous offre Mathias Enard, il en saisit la solitude, les tourments qui le paralysent presque, l’inadéquation à la vie orientale, qui le repousse en même temps qu’elle l’attire.
Un beau roman sur un épisode peu connu de la vie d’un artiste, un style à découvrir, même si je suis restée un peu en attente, un peu sur la rive…

Extraits : Cela commence par des proportions. L’architecture est l’art de l’équilibre ; tout comme le corps est régi par des lois précises, longueur des bras, des jambes, position des muscles, un édifice obéit à des règles qui en garantissent l’harmonie. L’ordonnancement est la clé d’une façade, la beauté d’un temple provient de l’ordre, de l’articulation des éléments entre eux. Un pont, ce sera la cadence des arches, leur courbe, l’élégance des piles, des ailes, du tablier. Des niches, des gorges, des ornements pour les transitions, certes, mais déjà, dans le rapport entre voûtes et piliers, tout sera dit.

La nuit ne communique pas avec le jour. Elle y brûle. On la porte au bûcher à l’aube. Et avec elle ses gens, les buveurs, les poètes, les amants.

47 commentaires sur « Mathias Enard, Parle-leur de batailles, de rois et d’éléphants »

    1. Je ne sais pas si ses autres livres te plairaient, mais celui-ci sans doute… L’auteur est sympa, ce qui ne gâche rien. (je l’ai rencontré à la Fête du Livre de Bron il y a deux ans, et je le lis aujourd’hui, il ne faut jamais désespérer !)

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  1. Je constate que tu as « fini par l’ouvrir » (cf ton com sur mon billet d’époque) et il semblerait que tu sois restée un peu sur ta faim, tout comme moi. C’est beau mais… Dommage.

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  2. un roman que j’aimerai lire, depuis un moment déjà ! il faudrait que je le prenne en bibliothèque, un de ces quatre ! il est sorti en poche ?

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    1. Très beau sujet et pourtant la narration m’aura tenue complètement à distance du récit, aucune émotion ni sensation durant cette lecture …

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  3. Moi, j’étais vraiment restée sur la rive, j’ai préféré son dernier. C’est drôle que tu dises qu’il est sympa (et ben sûr je te crois)), car dans les interviews, je le trouve arrogant. Il m’agace souvent.

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    1. Décidément je me rends compte que les coups de coeur sont plus rares pour ce roman que les « oui, mais »… il faut dire je n’ai pas lu en détail tous les billets notés…

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    1. Il semble avoir été apprécié davantage par ceux qui s’attachent surtout au style. Les autres ont été un peu déçus.
      Je n’ai pas lu ce roman d’Ohran Pamuk, pourquoi pas si je le croise…

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