Dave Eggers, Zeitoun

zeitounL’auteur : Né à Boston, en 1970, Dave Eggers est un écrivain américain. Il est aussi fondateur du magazine littéraire The Believer et la maison d’édition McSweeney’s. Sa femme Vendela Vida est rédactrice en chef du The Believer. Il a écrit Une oeuvre déchirante d’un génie renversant (Balland, 2001), Suive qui peut (2003), Pourquoi nous avons faim (2007), et Le Grand Quoi (2009). Il vit dans la région de San Francisco avec sa femme et leurs deux enfants.
416 pages
Editeur : Gallimard (avril 2012)
Traduction : Clément Baude

On n’a pas fini d’écrire sur l’ouragan Katrina et pas fini de lire à ce sujet non plus. Ce sujet saisissant renferme de telles situations dramatiques individuelles qu’il ne s’épuisera pas de sitôt. Dave Eggers a choisi de relater un cas particulier et réel plutôt que la voie de la fiction. C’est le récit de ce qui est arrivé à Abdulrahman Zeitoun, un entrepreneur originaire de Syrie et à sa famille, qu’il a entrepris de raconter.
Zeitoun, comme l’appellent la plupart de ses amis et connaissances, ne s’est pas trop inquiété de l’annonce de l’ouragan, de telles annonces survenant chaque été à La Nouvelle-Orléans. Il a fait le tour des travaux de construction et rénovation qu’il dirige pour vérifier que tout danger serait évité autant que possible.
Lorsque la menace devient 
plus précise et que sa femme décide de quitter la ville avec leurs enfants, Zeitoun s’obstine à rester, et se rend très utile, rendant de nombreux services aux voisins de son quartier inondé. Il profite même de son canoë pour aller voir ses propriétés et habitations en travaux au centre ville. C’est la partie la plus prenante de cette histoire vraie, où à la lecture de certaines scènes, bandes de pillards, chiens morts, hélicoptères aussi bruyants qu’inutiles, communications aléatoires, on se souvient tout à coup avec un frisson qu’il s’agit de la réalité de l’été 2005 et non d’un roman post-apocalyptique. Cela en a pourtant toutes les apparences !
Zeitoun refuse toujours de rejoindre sa femme qui s’inquiète, d’autant plus quand elle finit par ne plus recevoir de nouvelles du tout. Elle remue ciel et terre pour essayer de le retrouver, et pendant ce temps il croupit dans des conditions infernales à la gare routière de La Nouvelle-Orléans transformée en prison.
Du destin de cette immigrant syrien, rien n’est oublié, ni ses jeunes années, ses nombreux frères et sœurs, les circonstances dans lesquelles il est arrivé aux Etats-Unis, a rencontré son épouse. Dave Eggers a multiplié les entretiens avec cet homme et son entourage, n’a pas cherché à les romancer, quoique bien sûr, sa vision est sans doute influencée par ce qui lui est raconté… Si le plus prenant est la partie où Zeitoun reste dans la ville envahie par les eaux, la construction du récit fait que l’on ne s’ennuie jamais et qu’il est difficile à lâcher.
Un roman coup de poing sur les années Bush, à lire et à méditer ! 


Extrait : Si on le lançait sur le sujet, alors c’en était terminé d’un repas agréable. Il commençait par une défense des musulmans en Amérique et déployait son argument à partir de là. Depuis les attaques sur New York, disait-il, chaque fois qu’un crime était commis par un musulman, on mentionnait la religion du coupeble, sans que cela ait un quelconque rapport avec les faits. Quand un crime est commis par un chrétien, parle-t-on de sa religion ? Si un chrétien est arrêté à l’aéroport après avoir tenté d’emporter une arme à bord d’un avion, est-ce que le monde occidental apprend qu’un chrétien a été interpellé puis interrogé par la police.

 

32 commentaires sur « Dave Eggers, Zeitoun »

  1. Oui, c’est effectivement un texte très fort, qui pousse à la réflexion. Et donc, plus je réfléchis et plus je me dis qu’il est vraiment parfait ce Zeitoun citoyen, mari, immigré modèles)… et je me demande dans quelle mesure le personnage est effectivement la personne, le vrai Zeitoun, celui qui dans les faits se séparera de sa femme, tant aimée dans le livre, quelques temps après la parution. Est-ce l’ouragan, ses conséquences qui ont perturbé le couple à ce point (on le serait à moins) ? Pire : est-ce la célébrité due au livre ? On ne le saura probablement jamais…

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    1. J’ai imaginé que le Zeitoun du livre est tel qu’il s’est décrit lui-même… un peu enjolivé ? Peut-être, mais ça n’enlève rien aux faits, bruts, qui sont assez terribles, que ce soient les conséquences de l’ouragan ou l’erreur policière…
      Quant à la séparation, les causes peuvent être multiples, et pourquoi pas une conséquence de la publication du livre, en effet ?

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  2. Les billets d’Ys et de Jackie Brown m’ont incité à lire ce livre. Je l’ai trouvé il y a peu de temps dans ma bouquinerie et attend depuis son tour.
    Pour rebondir sur le message d’Anis, En attendant Babylone, d’Amanda Boyden est un excellent roman que je recommande chaudement (malheureusement, je n’en ai pas fait de billet) et dont toute l’action se situe juste avant que l’ouragan ne balaye la ville. Une sorte de « prequel » à Zeitoun.

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      1. Tu aurais bien tort de le laisser moisir plus longtemps 😉
        Lo m’a fait récemment une remarque similaire concernant les livres qui n’ont pas fait l’objet de billet chez moi. Cela m’a permis de me rendre compte qu’en fait, plus le temps passe, plus le nombre de livres non chroniqués augmente. En cela 2012 a été une « mauvaise » année puisque le nombre de livres non chroniqués est supérieur.

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  3. Je suis nettement moins enthousiaste que toi, d’ailleurs je n’ai pas fait de billet, j’ai beaucoup aimé le démarrage, les personnages mais…..cela traine beaucoup et il y a trop de pages qui sont sans réel lien avec l’histoire et l’histoire de ce couple a fini par me sembler un peu irréelle

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  4. J’ai beaucoup aimé et je me pose les mêmes questions que Ys. Je n’ai pas l’impression que le personnage a été enjolivé même si on ressent l’admiration que l’auteur porte à son personnage.

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