Audur Ava Olafsdottir, L’embellie

embellieL’auteur : Audur Ava Ólafsdóttir est née en 1958. Elle a fait des études d’histoire de l’art à Paris et a longtemps été maître-assistante d’histoire de l’art à l’Université d’Islande. Directrice du Musée de l’Université d’Islande, elle est très active dans la promotion de l’art.
Rosa candida, traduit pour la première fois en français, est son troisième roman après Upphækkuð jörð (Terre relevée) en 1998, et Rigning í nóvember (Pluie de novembre) en 2004, qui a été couronné par le Prix de Littérature de la Ville de Reykjavík. En France, Rosa candida a été finaliste du Prix Fémina et du Grand Prix des lectrices de Elle. Audur Ava Ólafsdóttir vit à Reykjavík. Elle écrit actuellement un nouveau roman.
400 pages
Editeur : Zulma (août 2012)
Traduction : Catherine
Eyjólfsson
Titre original : Rigning í nóvember (2004)

Je vous avais promis le grand Nord, voici une deuxième étape en Islande, pendant un automne bien arrosé.
La narratrice de ce roman, (jamais nommée au cours du livre) traductrice trentenaire un peu dépassée par la vie, réagit à peine lorsque le même jour, son amant lui signifie la fin de leur relation et son mari la quitte… Mais trois semaines après qu’il soit parti « avec le matelas ergonomique du lit conjugal, le matériel de camping et dix cartons de livres » elle n’est plus tout à fait la même, et ces trois semaines constituent la trame de ce roman léger et pétillant. Trois semaines où elle s’est vue confier la garde de Tumi, un petit garçon sourd de quatre ans, où elle a gagné deux fois à la loterie, où elle a eu affaire à différents animaux morts, où elle a entrepris un périple autour de l’Islande sous la pluie de novembre, où elle a fait de nombreuses rencontres…
Il faut parfois laisser une deuxième chance à un livre. Voici ma conclusion après la lecture de L’embellie. Je l’avais en effet emprunté à la bibliothèque et commencé en novembre, mais la narratrice un peu agaçante et l’histoire trop loufoque avaient eu raison de moi, et je l’avais rendu sans le finir. Pourtant, quand le père Noël me l’a apporté, (merci, merci !) je l’ai recommencé avec plaisir, et, allez comprendre, en relisant les mêmes pages avec un tout autre sentiment sur les personnages. Cette fois, je me suis laissée emporter sans m’attacher à repérer les comportements irrationnels de la narratrice, et j’ai aimé la fantaisie de l’histoire, jusqu’à en percevoir finalement la profondeur. En effet, beaucoup de choses restent non-dites, notamment ce qui s’est passé au moment des quinze ans de la jeune femme, mais l’on devine petit à petit et cela explique très largement sa personnalité. Les relations originales entre les différentes personnes, le voyage sur les routes islandaises balayées par la pluie, le petit garçon tranquille et plein de sagacité, la réflexion empreinte de légèreté sur la maternité, tout concourt à en faire un moment de lecture agréable. Il s’en dégage une philosophie de la vie originale et pleine d’humour : Inutile de leur dire que j’ai dans la voiture un excellent manuel illustré de dessins explicatifs, ça prendrait autant de temps d’y apprendre comment changer un pneu crevé que de se faire un rinçage colorant – l’une et l’autre opération se déroulant d’ailleurs en quatre étapes selon les schémas. Je ne vois aucune raison d’emmagasiner des connaissances qui ne serviront probablement jamais ou de me préparer à une éventualité qui n’arrivera pas. Nous mourrons tous un jour, mais il y a plein de gens qui s’en tirent toute leur vie sans jamais avoir eu à changer un pneu, j’essaie donc d’aviser en fonction des événements.
Bien sûr, ce livre n’a pas l’attrait de la nouveauté qu’avait Rosa candida que j’avais repéré pratiquement dès sa sortie en 2010, mais il est très savoureux tout de même. Sachant qu’il s’agit d’un roman qui précède Rosa candida, contrairement à l’ordre de traduction en français, rien d’étonnant à ce qu’il soit un petit peu moins bien « ficelé ». Ce sont aussi ses imperfections, quelques petites longueurs, quelques traits de caractère un peu flous, qui font son charme. Sans oublier les recettes qui sont regroupées à la fin, et où l’on retrouve l’humour bien particulier qui éclaire très joliment la grisaille de novembre de ce périple islandais.

En musique ! Quand je prépare un poulet au citron et aux olives, je mets Sahra de Khaled, quand je fais de la soupe au potiron, c’est Pinetop Perkins ; pour les épis de maïs grillé, Rubén Gonzalez, quand je me lance dans l’osso-bucco ou la bacalla alla livornese, c’est Gianmaria Testa ; Dvorak ou Liszt occupent mes oreilles quand je prépare des dios palacsinta, ces espèces de crêpes aux noix ; bien que je ne sois pas une fan de Strauss, je m’en accommode quand je confectionne des Puztertaler Kasuppe ; le pot-au-feu de mouton islandais est accompagné, lui, de quelque morceau emprunté à Bjarni Thorsteinsson ; avec le bortsch et les choux farcis de Moscou, je passe les suites symphoniques de Prokofiev. Ce n’est peut-être pas très original, mais je ne suis pas non plus la première à faire des choux farcis.

45 commentaires sur « Audur Ava Olafsdottir, L’embellie »

  1. Je crois que je vais rester pour le moment sous le charme de Rosa Candida, qui était très dépaysant. Car celui-ci m’a l’air un peu plus quotidien, malgré sa fantaisie.

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  2. J’avais déjà « Rosa Candida » dans ma liste. J’ajouterais bien celui-ci aussi. J’aime bien les citations que tu as choisies et ne crains pas en général les personnages un peu irrationnels…

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  3. je ne suis pas sûr de lire ce livre car le premier roman ne m’avait pas emballée mais par contre cette cuisine à faire en musique en fonction des recettes est franchement très amusante

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  4. C’est fou, ça, comment on peut « ressentir » un livre différemment, d’une fois à l’autre !
    Ceci dit, je n’ai guère accroché à « Rosa candida » (pas fait de billet car je l’ai achevé en diagonale) et je pense en rester là avec l’auteur.

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  5. Il était sur ma liste au père Noël mais je ne l’ai pas trouvé sous le sapin. Malgré les bémols quasi unanimes, j’ai bien envie de me laisser porter dans cet univers qui m’avait tellement plus dans Rosa candida.

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  6. Je n’ai pas encore lu cette auteur mais elle est notée depuis un moment… Je note tout de même que tu n’as pas été convaincue dès la première lecture, il faut donc le lire au bon moment et avec le bon état d’esprit pour être emporté… 😀

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  7. coucou ! merci d’avoir fait référence à mon article, c’est sympa ! c’est un livre qui fait plaisir, sourire doucement au fil des pages !
    c’est évident aussi qu’il ne faut pas voir le côté loufoque du personnage trop au sérieux, sinon le roman perd de sa saveur;..il faut se mettre en condition, en étant aussi léger que le personnage !

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  8. C’est marrant, je me suis aussi dit que je lui laisserai une deuxième chance : je l’ai abandonné, je n’ai pas réussi à m’intéresser aux personnages… Un jour viendra, je retenterai…

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