Raphaël Jérusalmy, Sauver Mozart

sauvermozartL’auteur : Raphaël Jerusalmy, diplômé de l’Ecole Normale Supérieure et de la Sorbonne, a fait carrière au sein des services de renseignements militaires israéliens avant de mener des actions de caractère humanitaire et éducatif. Il est aujourd’hui marchand de livres anciens à Tel-Aviv. Sauver Mozart est son premier roman.
151 pages
Editeur : Actes Sud (mars 2012)

Salzbourg en 1939, ce n’est pas l’endroit rêvé où vivre. Quand de plus, il s’agit de survivre dans un sanatorium où sont regroupés des tuberculeux à un stade plus ou moins avancé, on comprendre qu’une certaine aigreur domine le caractère d’Otto J. Steiner, qui fut critique musical. Il tient le journal de son séjour, le cache soigneusement, ce journal bien souvent des plus terre à terre, les pommes de terre bouillie et le filet de cabillaud y revenant avec régularité, comme les épisodes de fatigue ou de rechute de la maladie. Otto Steiner retrouve pourtant parfois quelque vigueur pour critiquer ou écrire des programmes de concerts, grâce aux visites du seul ami qui lui reste. Car Otto est un solitaire, pour qui le pire sera le passage en chambre commune lorsque le peu de revenus qui lui reste viendra à manquer. Solitaire et bougon, il ne supporte plus que la musique, pour peu qu’elle soit bien jouée, mais son oreille s’offusque de ce qu’il entend en ces années suivant l’Anschluss. Il imagine des attentats, au cours d’un festival salzbourgeois fréquenté par les nazis les plus hauts placés, mais que faire lorsqu’on est seul, faible, cloué au lit la plupart du temps ? Pourtant, et je ne vous en dis pas plus, il trouvera un moyen original, un moyen à sa portée de « Sauver Mozart » !
Ce petit livre se lit avec plaisir, son écriture sobre et son humour par petites touches, le seul qui puisse émerger encore d’une situation plutôt noire, font mouche. Otto Steiner se dévoile progressivement, son passé, sa famille qui s’est éloignée, son jeu d’échec, sa misanthropie, son regard sur la politique, sa musique, et c’est un personnage touchant qui me restera en mémoire. Encore une jolie découverte au rayon « premiers romans » !

Extraits : Lundi 4 décembre 1939
Hibernation totale. Les carreaux sont couverts de givre. Le radiateur marche mal. Il siffle. Je suis descendu au réfectoire pour la première fois depuis une dizaine de jours. Le nouveau m’a adressé un petit sourire. Il a beaucoup maigri.
La TSF parle des Russes, des Italiens, des Britanniques. Tout est devenu énorme. Millions d’hommes, centaines de bombes, milliards de deutschemarks. Ça ne veut plus rien dire.
Ai reçu une lettre de ma locataire. Son mari a été enrôlé. Il conduit des trains vers l’est. Elle n’a plus de quoi payer le loyer. J’ai jeté la lettre à la poubelle.

Je me souviens de centaines d’airs, des paroles de tous les grands opéras, en italien, en allemand, en français, des noms des maestros et des divas, des applaudissements. Ils résonnent dans ma tête. Ils me battent les tympans. S’ils me prennent la musique… Non, pas ça ! Je ne les laisserai pas.

Je l’avais repéré chez Dominique et chez Mimipinson, il est de plus parfait pour le challenge de Anne Des mots et des notes.

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30 commentaires sur « Raphaël Jérusalmy, Sauver Mozart »

    1. Oui, ce n’est pas gai, gai, mais le personnage un peu ronchon n’attire pas d’emblée une empathie profonde… et finalement, on marche sans trop ressentir de « blues ».

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