Antoine Laurain, Le chapeau de Mitterrand

L’auteur : Il est né à Paris au début des années 70. Scénariste, réalisateur, assistant d’antiquaire, collectionneur, son parcours atypique lui aura permis d’exercer ses compétences dans divers domaines avant de se tourner vers l’écriture.
211 pages
Editeur : Flammarion (janvier 2012)

Parisien esseulé pour une semaine, Daniel Mercier décide de se faire un petit plaisir et de dîner dans une brasserie. Un voisin de table illustre, et voilà qu’il devine que cette soirée va être mémorable. Plus encore qu’il ne l’imagine car ce présidentiel voisin oublie son chapeau et impulsivement Daniel l’emporte. Ce couvre-chef d’état lui donne des ailes ou du moins une capacité nouvelle à s’exprimer et se faire remarquer dans son entreprise. Jusqu’au jour où, à bord d’un Rouen-Paris, le chapeau change encore de mains, ou plutôt de tête. 

J’aime beaucoup le ton mi-tendre, mi-ironique, et le point de vue sur les personnages, qui laisse la part belle à une psychologie subtile. La plongée dans les années Mitterrand, avec les colonnes de Buren, le Minitel, Droit de réponse ou l’arrivée de Canal plus, est particulièrement bien faite, et un doux parfum de nostalgie s’échappe des pages. L’émission Apostrophes n’est pas oubliée : « La piqûre culturelle et hebdomadaire du bon docteur Pivot leur donnait l’impression d’avoir lu les livres qui étaient évoqués sur le plateau. »
L’histoire d’un objet qui change de mains et transforme la vie de son possesseur, n’est peut-être pas particulièrement nouvelle, mais elle a une saveur particulière ici. Daniel qui, par un oubli de son propriétaire, se retrouve en possession du chapeau, puis Fanny et ses velléités d’écriture, Pierre et son nez ne lui permettant plus de composer les parfums qui ont fait sa notoriété, Bernard qui voit aussi sa vie changer de manière significative… (je vous laisse découvrir !), tous ces portraits sont à la fois universels et bien ancrés dans leur époque. J’ai aimé la connaissance fine de ce qui fait avancer les personnages, à tel point que nous avons l’impression de les avoir déjà côtoyés. J’ai aussi apprécié le ton et le rythme qui me font penser à ceux de Georges Flipo dans son dernier recueil de nouvelles. J’ai savouré ce livre qui se lit « tout seul » et fait vraiment du bien entre deux romans plus sombres. On le quitte avec le sourire en imaginant rencontrer un objet qui porterait intrinsèquement autant de possibilités.

Extrait : Quelques minutes plus tard, le sommelier revint avec un seau argenté sur pied où un nouveau Pouilly-Fuissé baignait dans la glace. Il déboucha la bouteille avec grâce et en versa une gorgée dans le verre présidentiel. François Mitterrand goûta et approuva d’un imperceptible hochement de tête. Daniel se resservit un plein verre qu’il but presque d’un trait, avant de prendre une cuillerée de vinaigre rouge aux échalotes pour en napper une huître. « Je l’ai dit à Helmut Kohl, la semaine dernière… » La voix de François Mitterrand accompagna sa dégustation et Daniel se dit que plus jamais il ne mangerait d’huîtres au vinaigre sans entendre : « Je l’ai dit à Helmut Kohl, la semaine dernière… »

40 commentaires sur « Antoine Laurain, Le chapeau de Mitterrand »

    1. J’en cherche un troisième à ajouter à notre boutique, mais rien ne me vient… il reste à inventer, messieurs les auteurs, à vos claviers pour Les lunettes de Joyce ou L’écharpe de Jean Moulin !

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  1. Ma bibliothèque ne connaît pas l’auteur ! Ce n’est pas bien ça (et ce n’est pas la première fois). Je vais leur faire la suggestion. Evidemment, ils auront 50 truc-muches de Grey bidule (je ne mémorise pas le titre et je m’en moque). C’est une bibliothèque flûte, pas un centre commercial qui doit vendre.

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    1. Je comprends ton indignation ! J’ai la chance d’avoir 4 bibliothèques (et plus, mais je ne fréquente que les plus proches) et assez intéressantes dans leurs choix. C’est d’ailleurs là que j’y ai décroché ce chapeau ! 😉

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